L’église carolingienne
A partir de l’an 750, l’abbé Fulrad préside à la construction du troisième édifice construit au dessus de la tombe de saint Denis. Il subsistera jusqu’à l’époque de Suger.
Les délimitations de la basilique carolingienne sont en blanc.
Dessin J. Prim, Michaël Wyss Les liens privilégiés que l’abbaye entretenait avec la royauté mérovingienne se renforcent sous les Carolingiens.
En 741, les funérailles de Charles Martel inaugurent une deuxième série d’inhumations royales dans la basilique.
Les abbés Fulrad (750-784), Fardulfe (797-807), Hilduin (814-843) et Louis (843-867) sont tous des conseillers des rois. Leur implication dans la vie politique de l’empire franc va tellement progresser qu’en 867 l’empereur Charles le Chauve finit par s’approprier le titre d’abbé de Saint-Denis !
L’idée de Fulrad d’une reconstruction radicale remonte sans doute à la visite du pape Etienne II à Saint-Denis au cours de l’hiver 754-755. Le souverain pontife était venu sacrer Pépin le Bref, sa femme Berthe et ses deux fils Carloman et Charles (le futur Charlemagne). A l’issue de cette grandiose messe, l’église mérovingienne avait paru un peu étriquée pour la solennelle liturgie romaine.
L’abbé Fulrad, en tant que représentant de Pépin le Bref, avait effectué plusieurs voyages à Rome d’où il tira son inspiration pour reconstruire Saint-Denis. Les travaux auraient commencé peu après la mort de Pépin en 768 et la consécration eut lieu en présence de Charlemagne le 24 février 775.
Cette nouvelle église, de plan basilical, comprenait un transept faiblement débordant et ouvrant à l’Est sur une abside semi-circulaire. La nef présentait deux files de colonnes, neufs travées et mesurait intérieurement 20,70 m de large. Certains fûts de colonnes torsadées ont été prélevés dans des monuments antiques d’Italie, notamment plusieurs fragments de marbre de Synnada (Turquie).
Sous l’abside, une crypte annulaire, bâtie à la manière de celles de Rome, permettait aux pèlerins d’accéder à une confession dans laquelle devaient être exposées les reliques de saint Denis et de ses deux compagnons, saint Rustique, l’archiprêtre, et saint Eleuthère, l’archidiacre.
On peut encore voir dans la crypte actuelle les vestiges de ce corridor qui longeait l’intérieur de l’abside.
Vestiges de l'abside de l'église carolingienne construite par l'abbé Fulrad entre 768 et 775. L'élévation intérieure correspond dans la partie basse à une crypte-martyrium. Depuis 1972, un massif de tuiles restitue les corridors courbes de cette crypte. Celle-ci était éclairée par des fenêtres ornées de peintures en imitation de marbre. Des traces de polychromie sont toujours visibles dans ces fenêtres rectangulaires. En 832, sous l’abbatiat d’Hilduin, l’église est agrandie, à l’Est, par une chapelle implantée à l’extérieur de l’abside. A l’Ouest, là où Pépin le Bref avait choisi de se faire inhumer, devant le seuil de la basilique, son fils Charlemagne fit construire une curieuse construction polygonale. Pépin, d’après la tradition que rapporta Suger, avait voulu être enterré sur le ventre, prostré, et non sur le dos, au seuil des portes de l’église pour que sa sépulture soit foulée par les pas des fidèles, « à cause des péchés de son père Charles Martel ».
Si l’on en croit une description faite par les moines en 799, l’église comptait :
- 4 grandes portes dont 2 d’or et d’argent ; et 3 portes intérieures plus petites ( 2 d’or et d’ivoire et une d’argent)
- 90 colonnes à l’intérieur et 103 dans les portiques à l’extérieur (un atrium devant l’entrée ?)
- 52 colonnes dans les chapelles du monastère
- 45 grands arcs
- 101 fenêtres
- 1250 luminaires
Les verrières présentaient des motifs floraux, géométriques, ou de lettres.
En 832, plus de 50 ans après que Charlemagne eut ordonné la dédicace de l’abbatiale, l’abbé Hilduin agrandit la crypte vers l’Est. Il fit édifier une chapelle à trois vaisseaux dédiée à la Sainte Vierge, à saint Jean et à tous les saints.
Les murs de la partie centrale conservaient les reliques de la Passion et étaient décorés de pierres dorées.
Il y avait aussi un puits aux eaux réputées curatives.
Jusqu’au XII°, cet édifice carolingien ne connut aucune modification majeure, à l’exception d’une tour offerte par Guillaume le Conquérant (+ 1087), duc de Normandie et roi d’Angleterre.