Les ducs de Bourbon (branche aînée ; 1318-1523) à Souvigny-
L’église prieurale de Souvigny (Allier) abrite les deux seuls tombeaux de princes du sang maintenus dans leur emplacement d’origine et demeurés inviolés.
Le duché de BourbonSouvigny fut la nécropole des sires (X°-XIV°s) puis des ducs (XIV°-XVI°s) de Bourbon, c'est-à-dire de la branche ainée des Bourbons, éteinte en 1527 avec la mort du connétable (le duc Charles III).
La branche cadette montera sur le trône de France en 1589 avec Henri IV.
Cette dynastie régnait sur les Etats de Bourbon (le Bourbonnais) et d’Auvergne. Sa capitale fut d’abord la ville de Bourbon (auj. Bourbon-L’Archambault) où se trouvait le grand château de la famille et sa sainte-chapelle. Le duc Louis II (1356-1410) transféra la capitale du duché à Moulins où se développera peu à peu l’immense palais ducal (brûlé au XVIII°s – il en reste aujourd’hui le donjon et le pavillon « Anne de Beaujeu »).
Mais la nécropole de Souvigny, qualifiée de « Saint-Denis du Bourbonnais », n’a pas été la seule aménagée par les ducs. Au total, six autres églises ont pu aussi servir de sépultures. C’est qu’il fallait concilier la double qualité d’héritiers d’une importante principauté et de princes des fleurs de lys.
Paris ou Souvigny ?Depuis le X°siècle régnait en Bourbonnais la famille de Bourbon, descendant d’un certain sire Adhémar, viguier de Châtel de Neuvre pour le compte du duc d’Aquitaine à la fin du I° millénaire. Il est le premier possesseur de la terre de Souvigny et le créateur du monastère, dépendant de Cluny – succédant sans doute à une nécropole carolingienne.
Les sires de Bourbon, souvent prénommés Archambaud, agrandissent leurs domaines le long de l’Allier au point d’en faire une voie de passage stratégique pour les rois capétiens. Saint-Louis marie donc son dernier fils, Robert (+ 1318), comte de Clermont, à la dernière descendante des Archambaud, Béatrix (+ 1310).
Robert préfére se faire inhumer à Paris, au couvent des Jacobins, laissant son cœur aux Cordeliers. Il participe de fait à la création des nécropoles de princes royaux dans les chœurs des deux plus grandes églises de Mendiants de la capitale.
Son fils, Louis I° (+ 1342), devenu duc et pair en 1327, est partagé entre son désir de reposer auprès de son père et celui d’ancrer la dynastie ducale de sang royale en Bourbonnais. Il songe d’abord à la sainte-chapelle de Bourbon-l’Archambault qu’il a fondée à l’imitation de celle de Paris.
Pourtant, seigneur des lys et grand officier de la couronne, il est aussi inhumé aux Jacobine de Paris.
Ainsi en sera-t-il encore pour son fils et successeur Pierre I°, mort à la bataille e Poitiers en 1356.
Les tombeaux de ces ducs à Paris ont disparu avec la destruction des Jacobins à la suite de la Révolution – la rue Soufflot en traverse aujourd’hui l’emplacement.
Mais ils nous sont connus par des dessins de la collection Gaignières et quelques descriptions. Un gisant de chevalier, selon un type très répandu dès le XIII°s mais non attesté plus tôt à Paris, en marbre ou en albâtre blanc sur une plateforme noire, placé sous un dais dont le revers portait l’épitaphe. Signe de leur rang princier, un cercle de tête à petits fleurons couronnait les gisants des trois Bourbons. Jean Pépin de Huy et Robin Loisel, occupés sur d’autres chantiers par les ducs, en étaient peut-être les artistes.
Près de Souvigny, le couvent des Cordeliers de ChampaigueA partir de 1320, Louis I° fit élever des tombeaux pour sa mère, son épouse, et deux de ses enfants, aux Cordeliers de Champaigue, près de Souvigny. Les monuments funéraires étaient disposés dans de grands enjeux à dentelles de marbre, à l’exception de celui de la duchesse-mère, situé au centre du chœur.
Les bâtiments ont été détruits sous le Directoire et remplacés par une exploitation agricole. Un gisant (celui de la duchesse Marie de Hainaut) a été retrouvé au début du XX°s. par un agriculteur labourant son champ.
Gisant de Marie de Hainaut, aujourd'hui au Musée de SouvignyLe même gisant, sur son tombeau, avant la Révolution aux Cordeliers de Champaigue. Le retour à Souvigny – création de la « Chapelle Vieille »Adhémar, le premier Bourbon, ainsi que les sires Archambaud auraient été – d’après les récits monastiques – inhumés à Souvigny. Bien qu’une incertitude règne à ce sujet, les dalles funéraires ayant disparu avant même la Révolution, un grand nombre de sarcophages importants retrouvés lors des fouilles de 2005-2006 dans l’église pourraient confirmer cette tradition.
[ Ces ossements ont été replacés en ossuaires dans d’anciens caveaux, dans les bas-côtés. On peut apercevoir les trappes d’entrée dans le nouveau dallage – 2007-2008. Là reposent sans doute les tout premiers Bourbons ]
En 1376, le duc Louis II, beau-frère du Roi Charles V, rompt avec les premiers ducs et choisit de reprendre la tradition des sires de Bourbon en prenant le vieux prieuré clunisien de Souvigny comme sépulture. Il souhaite reposer auprès des reliques des saints abbés de Cluny, Mayeul et Odilon.
Il fonde ainsi près du chœur et derrière la clôture conventuelle, une chapelle de deux travées, la « Chapelle Vieille » où des messes de Requiem entretiendront la mémoire de sa famille.
Tombeau du duc Louis II de Bourbon et de la duchesse Anne Dauphine d'Auvergne, dans la chapelle Vieille
(état avant la Révolution ; collection Gaignières) Pour Louis II, c’est gage d’enracinement dans la principauté. Le prince se veut duc de Bourbon avant d’être grand officier de la couronne. Cette décision s’inscrit dans la reprise en main de sa noblesse après les désordres du temps de sa captivité en Angleterre (1361-1366) où il avait servi d’otage pour la libération du roi Jean.
Certes, la prieurale est adoptée comme nécropole familiale pour manifester la présence des Bourbons sans attendre la mort du duc. Louis II y fait élever un tombeau pour un bâtard de Louis I° qui l’a servi comme lieutenant général du Bourbonnais. Sa mère, Isabelle de Valois, y élit sépulture pour son cœur en 1380. Mais le règne de Louis II est bien un tournant.
Vers 1390, la Chapelle Vieille, fermée d’une clôture de pierre, est enrichie d’un bel oratoire de style flamboyant avec six grandes statues, les quatre évangélistes, et à l’entrée, sans doute celles du couple ducal selon le modèle royal des Célestins de Paris repris à la même époque par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, à Champmol.
Le tombeau de la Chapelle Vieille, commencé du vivant du duc, n’est achevé qu’après son décès.
Lys et ceintures « Espérance », devise des Bourbons, sont omniprésents. Armes et cercles de têtes deviennent de vrais bijoux de pierre.
Avant la Révolution, trois piliers ornés de 22 statuettes étaient couchés le long des gisants, imitant une nouveauté apparue sur le tombeau de Charles V et de son épouse Jeanne de Bourbon (sœur de Louis II) à Saint-Denis. Ces trois piliers étaient constitués de trois figurines chacun.
Autre originalité, la traditionnelle épitaphe du revers du dais cède la place à de très belles sculptures de la Crucifixion et du Couronnement de la Vierge.
Le fils de Louis II, Jean I°, sera fait prisonnier à la bataille d’Azincourt. Son corps ne sera ramené que par le duc Charles I°, petit-fils de Louis II, qui l’a sans doute fait enterrer dans le sous-sol de la Chapelle Vieille. Il y demeure encore, sans que sa tombe ait encore été retrouvée. C’est que la place manquait et que le caveau de la chapelle Vieille ne pouvait accueillir que deux cercueils.
Les gisants de la chapelle Vieille (état actuel) La « Chapelle Neuve »En 1448, le duc Charles I°, gendre de Jean Sans Peur duc de Bourgogne, et ancien compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, élit sépulture dans la prieurale et commande au sculpteur lyonnais Jacques Morel, pour lui et sa femme, un tombeau imité de celui de Philippe le Hardi à Champmol, orné d’une galerie de 44 pleurants. La perfection de l’œuvre de Morel le fera employer plus tard par Charles VII et le roi René.
Pour abriter ce tombeau, Charles fait bâtir par Jean Poncelet, architecte de la tour et du palais ducal de Dijon, la Chapelle Neuve, en vis-à-vis de la Chapelle Vieille.
Alvéoles aux fleurs de lys, détruites durant la Révolution, à l'exception d'une, reconstituée. En 1475, le duc Jean II, connétable de France – et vainqueur de la bataille de Castillon qui offrit l’Aquitaine à Charles VII – fait projet de se faire inhumer dans la collégiale de Moulins. Pourtant, seules les duchesses (dont une fille de Charles VII) et ses filles reposeront dans la crypte, ainsi que les cœurs de Jean II et de Pierre II. Jean II se fait finalement inhumer dans le grand caveau de la Chapelle Neuve de Souvigny, nécropole dynastique.
Le suivront :
-Pierre II (+ 1503)
- Son épouse Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et régente du royaume durant la minorité de Charles VIII.
- leur fille Suzanne
[ce sont les personnages représentés sur le célébrissime triptyque du Maître de Moulins]
Pierre II, duc de BourbonLa duchesse Anne de France, fille du roi Louis XI,
épouse de Pierre II,
régente de France pendant la minorité de Charles VIII - François, duc de Châtellerault, frère cadet du duc Charles III
Le dernier duc, Charles III, le célèbre « connétable de Bourbon », devenu ennemi de François I°, passa au service de Charles Quint. Le duché fut confisqué par la couronne. Charles III fut tué sous les murs de Rome en 1527. Sa momie, longtemps exposée dans la forteresse de Gaete, fut détruite lors d’un bombardement en 1860. Une famille italienne en détiendrait quelques fragments dans un bocal…
A la fin du XVII°, une fille de Louis XIV et de Madame de Montespan, Mademoiselle de Tours, fut inhumée sur ordre du Roi dans la Chapelle Neuve aux côtés de ses ancêtres.
Mademoiselle de Tours, par Mignard,
fille de Louis XIV et de Mme de Montespan Les restes des ducs de BourbonsLa Révolution chassa les moines et saccagea l’église. Le cloître et la salle capitulaire furent détruits en grande partie. Les statues ornant les clôtures furent arrachées, ainsi que les fleurs de lys.
Surtout, les gisants furent abominablement massacrés à coup de maillets. On détruisit les pleurants et l’on fit éclater le marbre des monuments. Les Marseillais remontant sur Paris en 1792 en sont peut-être les responsables. Ils avaient sur le trajet détruit de la même manière les mausolées du maréchal de La Palisse et de sa famille.
Le bon duc Louis II
(On remarquera que le duc portait la moustache...)Anne, duchesse de Bourbon, dauphine d'Auvergne
épouse de Louis II
Charles I°, duc de Bourbon (petit-fils de Louis II)Agnès de Bourgogne, duchesse de Bourbon
fille du duc de Bourgogne Jean Sans Peur
épouse de Charles I°
Mais les sépulcres ne furent ni ouverts ni profanés – faute de temps ???. Les cercueils de plomb restèrent en place, aussi bien dans la Chapelle Vieille que dans la Chapelle Neuve.
En 1830, la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI et de Marie Antoinette visita les lieux et se désola de l’état des tombeaux. Elle devait partir en exil pour toujours, quelques jours après…
C’est Louis Philippe qui le premier fit restaurer les caveaux.
Les cercueils de Louis II et d’Anne, dauphine d’Auvergne, s’étaient désagrégés depuis le début du XV°s. Les ossements (et les éperons du duc !) furent retrouvés au sol. On les remit dans des sarcophages neufs.
L’état des cercueils était parfait dans la chapelle Neuve, à l’exception de celui d’Anne de Beaujeu qui s’était ouvert . Ils reposaient sur des sortes de tréteaux.
En 1934, pour permettre l’inhumation du prince Sixte de Bourbon-Parme, en présence de sa sœur Zita, dernière impératrice d’Autriche, et de l’archiduc Otto de Habsbourg (tous trois descendants de Charles X), le caveau de la Chapelle Neuve fut de nouveau ouvert.
Sixte de Bourbon Parme (+ 1934)« A la demande de S.A.R. la princesse Xavier de Bourbon-Parme, les modifications suivantes ont été apportées à la disposition des cercueils. Les cinq grands cercueils de plomb ont été repoussés de 0,20m à 0,30m vers l’Est, pour permettre de placer vers le Nord, et en avant de celui de Suzanne de Bourbon (à gauche en entrant), le petit cercueil de plomb de Mademoiselle de Tours, fille légitimé de Louis XIV, primitivement placé transversalement sur un tréteau de fer ; puis celui de la Duchesse Anne (cercueil de chêne de 1840 en assez bon état), qui était encore plus près, et plus bas sur une dalle de Volvic, a été remonté sur le même plan que les précédents, et disposé transversalement à leur tête… »
Pour le sujet sur le contenu des caveaux de Souvigny , voir sur ce forum :
https://saintdenis-tombeaux.1fr1.net/t174-les-caveaux-ducaux-des-bourbons-a-souvigny-proces-verbaux-des-visites-de-1648-1840-et-1934...