Dessin préparatoire du visage mortuaire de François I° pour son effigie funèbre - par François Clouet

Voici ce qui est sans doute le dessin du masque mortuaire de François I°, oeuvre préparatoire à la confection de l'effigie funèbre. Il a été réalisé par François Clouet juste après le décès du monarque le 31 mars 1547 au château de Rambouillet.
Cette oeuvre se trouve aujourd’hui dans les collections du château de Chantilly, parmi les dessins de la grande collection des Clouet, réunis par le duc d'Aumale au XIX°s.


Ce document saisissant donne une bonne idée de ce à quoi pouvait ressembler l'effigie funéraire de François I°.
Le visage de l’effigie mortuaire devait être très ressemblant et surtout conforme aux représentations du souverain en majesté. C’est pourquoi cette tâche ardue était traditionnellement confiée au portraitiste officiel plutôt qu’à un sculpteur de métier.

Deux fois au moins dans sa carrière (pour François II, aussi), Clouet dut donc se rendre au chevet du Très Chrétien pour « moller et rendre le traict du visage », c'est-à-dire prendre le moulage et de tirer ensuite un portrait qui lui permettait ensuite d'"estoffer et donner couleur" à la figure de cire, de fixer la barbe et les cheveux postiches.
Réalisé en toute hâte et à la sanguine pure, l’ultime crayon représentant François I° surprend par sa vision strictement de face, le regard vide et artificiel, comme fixé vers l’éternité. Puis son triste devoir terminé, Clouet retourna dans son atelier pour fabriquer l’effigie « à grant diligence de jour et de nuyt », s’occupant lui-même de la tête, des deux paires de mains (« les uns clozes et les autres joinctse ») et de l’ « accoustrement », mais abandonnant à ses aides et associés tout ce qui ne relevait pas de la représentation comme la confection du « corps d’éclisses » en osier, du sceptre et de la main de justice en bois, du chariot et des menus travaux de peinture.

A l’inverse d’un Jean Perréal, Clouet ne fut jamais ordonnateur des grandes cérémonies, fêtes et solennités, mais seulement responsable de la réalisation de décors qui lui étaient commandés. Ainsi, pour les obsèques royales, le portraitiste pouvait exploiter à son aise son sens aigu de l’apparence et de la mise en scène des êtres. C’est d’ailleurs à ses portraits que Clouet dut ses titres et sa renommée.
Le mannequin, revêtu des habits et insignes royaux, fut d’abord exposé sur un lit de parade, puis porté à Notre-Dame, puis à travers la ville. Il fut ensuite conduit, au dessus du cercueil, sur un char funèbre, jusqu'à l'abbaye de Saint-Denis où le roi devait être inhumé.
Il était comme de coutume toujours présenté sur un plan incliné pour que l’on puisse voir et reconnaître les traits du défunt.

Après les obsèques, la tête royale fut exposée derrière une vitrine de la grande salle du trésor de Saint-Denis, avec les autres effigies. De l’avis des visiteurs qui l’aperçurent aux XVI°, XVII° et XVIII°s, celle de François I° était la plus impressionnante et la plus vivante de toutes. Le travail de Clouet était exemplaire.

L'effigie de François fut détruite par les révolutionnaires en 1793, comme toutes les effigies royales et les masques mortuaires qui se trouvaient exposés dans le trésor de Saint-Denis.



A signaler que l’on peut admirer la grande collection des dessins des Clouet à Chantilly jusqu’au 27 juin. Cette sanguine s’y trouve.
Cette exposition est absolument remarquable. Le Domaine de Chantilly a ainsi choisi de livrer à ses visiteurs une partie de ce fonds (plus de 300 dessins !), historique à plus d’un titre, et présente des feuilles entièrement restaurées grâce au soutien des Amis du musée Condé et à la participation des American Friends of Chantilly. Si elle témoigne incontestablement de l’essor artistique de la Renaissance française, l’exposition offre également un passionnant voyage à la rencontre des personnalités qui ont animé la Cour des Valois (Anne de Montmorency, constructeur du Petit Château de Chantilly et Connétable de France, l’amiral Gaspard de Coligny, assassiné lors de la St-Barthélemy, Diane de Poitiers, maîtresse du roi Henri II, jusqu’aux fous Triboulet et Thonin…). Elle s’accompagne d’une belle publication scientifique d’Alexandra Zvereva, historienne et historienne de l’art, parue aux éditions Arthéna :

Alexandra Zvereva, Portrait dessinés à la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Arthena, 2011, 461 p., 115 €. ISBN : 978290323964569

http://latribunedelart.com/les-clouet-de-catherine-de-medicis-portraits-dessines-de-la-cour-des-valois-article003122.html

Très belle oeuvre, et présentation très intéressante.

Puisqu'il est indiqué à la fin que l'ensemble des effigies et masques mortuaires ont été vandalisés et détruits en 93, comment le masque mortuaire de Henry IV a-t-il par miracle échappé à ce sort ?

Est-ce uniquement sur intervention d'Alexandre Lenoir ? Comment cela s'est-il passé précisément ?

Peut-être que cette question a déjà sa réponse dans le topic spécifique sur la tête "retrouvée" (?) de Henry IV, auquel cas je m'en excuse par avance ; de surcroît il n'est peut-être pas souhaitable, en tout état de cause, de mélanger la situation de François Ier avec celle de Henry IV. Je laisse aux modérateurs le soin de recadrer mon intervention.

Il ne s'agit pas d'une effigie funèbre.
Le masque d'Henri IV n'a jamais été dans le trésor de St Denis. Seules les effigies funèbres réalisées à partir des masques mortuaires s'y trouvaient.
Les masques, eux, pouvaient être dans la salle du trésor mais pas forcément - sur ce point nous sommes mal renseignés.

Mais vous faites bien, cher Suger, de poser la question car il est important de ne pas commettre la confusion.
Le masque mortuaire est pris sur le visage du souverain mort. L'effigie funèbre (d'abord en cuir, puis en cire) montrait le buste vivant, les yeux ouverts, ce qui la rendait spectaculaire. C'est pour cela que les moines donnaient pour l'exposition la priorité à l'effigie sur le masque.
Mais s'il est vrai que les effigies étaient fabriquées à partir du masque mortuaire, elles seules gagnaient Saint-Denis. Les masques ne les rejoignaient pas forcément après les funérailles.

Ici, le visage de François I° a été dessiné alors que le cadavre avait peut-être les yeux encore ouverts, juste après le décès. Mais il est plus vraisemblable que Clouet a dessiné le visage du défunt en rajoutant les yeux ouverts, ayant déjà en tête l'élaboration de la future effigie royale.