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Le tombeau de Bertrand du Guesclin, connétable de France Héros français de la Guerre de Cent et libérateur du territoire sous le règne de Charles V, terreur des Anglais, Bertrand du Guesclin a bien mérité de reposer auprès des rois, ses maîtres.
Ainsi en avait décidé le roi Charles le Sage.
Bertrand du Guesclin, Connétable de France L'épopée de Du GuesclinNoble breton, du Guesclin passa au service du roi de France vers 1350 et vainquit Charles II de Navarre à Cocherel, près d’Evreux. Participant à la bataille d’Auray en 1364, il fut fait prisonnier : le roi Charles V paya sa rançon et le chargea d’emmener les Grandes Compagnies hors de France. Il les conduisit en Castille où il soutint Henri de Trastamare, futur Henri II, en lutte contre son frère Pierre le Cruel, mais fut battu par le prince de Galles à la Najera en 1367. De retour en France, il fut fait connétable et mena contre les Anglais une guerre de harcèlement, les chassant du Poitou, de la Normandie, de la Guyenne et de la Saintonge. Grâce à l'action de grignotage méthodique et de guerre d'usure menés par le Breton, Edouard III et le Prince noir perdirent tous les gains territoriaux qu'ils avaient engrangés contre Philippe VI et Jean II.
Charles V remet à Du Guesclin l'épée de connétable de France
Enluminure de Jean Fouquet, XV°s, BNF A la mort de Charles V, les Anglais, vaincus, ne détenaient plus que Calais, les villes de Bordeaux et de Brest.
Du Guesclin cristallisa la haine contre les Anglais et incarna l’une des premières manifestations patriotiques du royaume de France.
Carte des opérations menées par Bertrand du Guesclin et ses armées pour libérer la Normandie et tout le Sud-Ouest de la France.La mort du Connétable de FranceEn 1380, il combat contre les Grandes compagnies en Auvergne et le sud du Massif central, et il met le siège devant Châteauneuf-de-Randon (Gévaudan) : après plusieurs assauts terribles, la place promet de se rendre au connétable lui-même, si elle n'est pas secourue dans 15 jours. Mais Du Guesclin meurt dans cet intervalle (sans doute soudainement malade pour avoir bu trop d'eau glacée après avoir combattu en plein soleil), le 13 juillet 1380, et le gouverneur vient, la trêve expirée, déposer les clefs de la place sur son cercueil.
Le corps, réparti en quatre sépultures
Il avait souhaité que son corps fût rapporté en Bretagne. La route étant longue, il était nécessaire de l’embaumer : on enleva ses viscères et son cerveau au couvent des Dominicains du Puy où ils furent déposés.
Mais l’embaumement ayant été mal réalisé, le corps se mit à pourrir sur le chemin : il fallut le bouillir au couvent des dominicains de Clermont-Ferrand dans un grand chaudron pour détacher les chairs du squelette.
Celui-ci et le cœur poursuivirent leur route vers la Bretagne jusqu’à ce que le roi Charles V décide de faire enterrer les ossements de son défunt connétable dans la basilique royale de Saint-Denis, aux côtés des rois de France, ce qui était un privilège très rare.
Seul son coeur parvint à Dinan où il fut déposé sous une dalle au couvent des Jacobins à Dinan.
Du Guesclin eut donc la particularité rare de posséder quatre tombeaux :
1) Le tombeau des viscères au Puy. Il est situé dans l'église Saint Laurent, ancienne église des jacobins. Il est constitué d'un gisant reposant sur un socle, lui-même sous un enfeu, dans le mur du côté de l'Evangile. Décoré de fresques, cet enfeu se situe au milieu d'inscriptions funéraires figurant au dessus des caveau de l'antique famille de Polignac. Ce tombeau fut profané le 4 août 1562 par les protestants, l'église se trouvant en dehors des remparts de la ville. Mais les dégâts, mineurs, furent réparés à la fin du XVII° siècle. Plus graves furent les déprédations de l'époque révolutionnaire ; elles ne furent cependant pas irréversibles, l'enfeu et le gisant n'ayant pas trop souffert. Les restes furent extraits du cercueil pour être versés dans une urne. Cette dernière fut mise en dépot à la mairie en vue de lui donner une sépulture laïque puis fut finalement replacée dans l’église saint Laurent avec son contenu.
2) Le tombeau des chairs du couvent des Dominicains de Montferrand fut profané et détruit en 1793 : il n’en reste rien.
3) Le tombeau du squelette de Saint-Denis fut évidemment profané en 1793 avec celui des rois de France : son gisant s’y trouve toujours.
4) Son carditaphe du couvent des Jacobins de Dinan fut déplacé : en 1810, la pierre tombale et l’urne contenant le cœur furent transférées dans l’église Saint-Sauveur de Dinan où elles se trouvent encore.
Trois des quatre tombes sont donc encore visibles et ornées de monuments, celle de Montferrand ayant disparu lors de la Révolution française. Les gisants de Saint-Denis et celui du Puy permettent d'observer un personnage et un visage apparemment sculptés à la ressemblance du sujet, par ailleurs connu par des descriptions physiques et plusieurs miniatures contemporaines, insistant toutes sur la laideur et la pugnacité que révélait son visage.
Il existe à Chateauneuf-de-Randon (Lozère) et au lieu dit « L'Habitarelle » où se situait le campement de Du Guesclin au moment de sa mort, un cénotaphe construit par subvention et souscription nationales, dont le gisant reproduit celui du Puy.
L'honneur de la chapelle caroline à Saint-DenisDans la charte de fondation de sa chapelle funéraire, Charles V mentionnait que seuls les rois (reges) devaient être inhumés à Saint-Denis. Cependant, l’autorisation que son père lui avait accordée comme dauphin et régent démontrait que l’on pouvait modifier les règles et les coutumes, qu’on pouvait faire des exceptions.
De fait, après son avènement, Charles V libéralise le système en vigueur. C’est sans doute la tombe du chambellan de Saint Louis, Pierre de Beaucaire, qui lui donne l’idée, le 15 mai 1374, d’accorder à son propre chambellan, Bureau de La Rivière, la faveur de reposer à ses pieds à l’intérieur de la chapelle royale. Il autorise aussi l’épouse de ce dernier à être enterrée « devant ladite chapelle », où elle pourra jouir de la compagnie des abbés et « grans prieurs » de Saint-Denis. Cette faveur exceptionnelle ne fut toutefois pas renouvelée dans le testament royal d’octobre 1374. Seul Bureau (et non son épouse) reposera donc aux pieds du tombeau de Charles V, sous une plaque de bronze portant une longue épitaphe.
Le roi accorde encore une faveur similaire à Jean Pastourel, président de la Cour des Comptes. Mais celui-ci sera finalement inhumé en l’abbaye Saint-Victor de Paris, laissant sa sépulture dionysienne à sa femme, Sédile de Sainte-Croix (+ 1380). La dalle de pierre à épitaphe était dans la chapelle Saint-Lazare, près des reliques du lépreux et de la consécration divine (sur lesquelles nous reviendrons bientôt).
Le tombeau d'ossements de Bertrand du Guesclin dans la chapelle carolineMais c’est Bertrand du Guesclin qui aura le plus bel emplacement dans la chapelle caroline, voulu par Charles V qui mourut deux mois à peine après son connétable. Le tombeau sera commandé par Charles VI en 1397 à Thomas Privé et Robert Moisel, et placé au Sud de l’autel de l’oratoire.
Les tombeaux de la chapelle caroline à Saint-Denis - Le tombeau de du Guesclin est en bas à gauche, à l'Est du tombeau de Charles VII.Le gisant de du Guesclin est peut-être le plus individualisé de tous ceux installés dans la chapelle caroline Saint-Jean Baptiste. Il apparait comme un homme trapu, courtaud, au visage de bouledogue et au regard terriblement intense. On devine à ses traits qu’il ne faisait pas bon être son ennemi. L’œil gauche présente la marque d’un coup de lance que du Guesclin reçut en combattant les Anglais. Mais comme le soulignait Guilhermy, la réalisation de cette sculpture n'est pas très fine et les deux artistes n'ont pas donné le meilleur d'eux-mêmes. S'il est le plus individualisé par sa laideur, ce n'est assurément pas le plus réussi des gisants de la chapelle. Les images royales sont d'une qualité autrement supérieure.
Le gisant en armure est vêtu du surcot et porte au côté l’épée et la dague. Des cercles en torsade et des feuillages décorent le baudrier auquel sont attachés l’épée et l’écu. Un écusson arbore les armoiries de la famille du Guesclin, « à l’aigle impérial de sable » (Ce n'est aujourd'hui qu'une reconstitution du XIX°s, les armoiries se trouvant avant 1793 au pied du soubassement du tombeau, et non pas sur l'écusson du gisant).
Il reposait sur un socle en marbre noir, lui-même orné des emblèmes du connétable. La tête du gisant était protégée par un dais gothique et les pieds reposaient sur un lion. L’épitaphe était la suivante : «
CY GIST NOBLE HOME MESSIRE BERTRAND DU GUESCLIN CONTE DE LONGUEVILLE ET CONNESTABLE DE France / QUI TRESPASSA A CHASTELNUEF DE RANDON EN JUVAUDAN EN LA SENESCHAUCEE DE BEAUCAIRE LE XIII° JOUR DE JUILLET LAN M CCC IIIIXX PRIEZ DIEU POUR LUY ».
Profanation et destruction du tombeau en 1793 - Sauvetage du gisantEn 1793, ce socle de marbre noir fut détruit. Le dimanche 20 octobre 1793, les ouvriers mandatés par la Convention profanèrent le tombeau de celui qui avait versé son sang pour la libération de la France. Le cercueil de plomb fut retiré : «
L’on découvrit son squelette tout entier, la tête bien conservée, les os bien propres et tout à fait desséchés ». Ces restes furent aussitôt jetés dans la fosse commune au Nord de la basilique.
Ce qui reste du tombeau aujourd'huiC’est Alexandre Lenoir, sur ordre de Louis XVIII, qui fit revenir le gisant en la basilique. Il occupe aujourd’hui un emplacement légèrement décalé par rapport à la place primitive du tombeau ; il occupe à peu près la place où se trouvait avant 1793 le tombeau de Charles VII et de Marie d’Anjou. Le gisant a été malencontreusement déposé sur une dalle de pierre blanche, ce qui ne le met pas en valeur. On lui a refait une épée dont le pommeau a été copié sur le gisant de Charles, comte d’Etampes. Pour le bout du fourreau, on s’est servi, par erreur, d’un bout de ceinturon de la même figure. Un anachronique poignard a été placé du côté droit. Il ne reste plus guère que les attaches des éperons. L’épitaphe, reconstitué au début du XIX°s a malheureusement disparu.
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