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La destruction et la violation des tombeaux royaux et princiers en 1792-1793Violation des caveaux royaux de Saint-Denis, par Hubert Robert, Huile sur toile - Musée Carnavalet La profanation des sépultures royales de Saint-Denis en 1793 constitue une catastrophe pour l’analyse paleopathologique des restes royaux ou nobiliaires à travers les âges. Outre le scandale moral et le saccage de précieux monuments, la France s’est ainsi privée d’un objet d’étude incomparable.
1) Eté 1791 –Destruction des tombeaux de l’abbaye de Royaumont (famille de saint Louis)
Les restes royaux sont ramenés à Saint-Denis. Dom Poirier obtient de placer les ossements des frères et enfants de saint Louis à côté de la sépulture de Marguerite de Provence.
Seuls ont pu être sauvés les monuments en pierre de Philippe Dagobert, frère de Louis IX, et des enfants du roi Louis, Blanche et Jean (les deux derniers présentant un tombeau en émail)
2) Août 1792, chute de la royauté – décembre 1792.Le gouvernement provisoire ordonne la fonte des monuments en bronze, argent ou métaux divers.
Le somptueux tombeau de Charles VIII en bronze doré et en émail est détruit puis fondu.
Le tombeau de bronze de l’empereur Charles le Chauve subit le même sort.
En revanche, les « Vertus » du tombeau d’Henri II et de Catherine de Médicis échappent à ce carnage, étant jugées dignes d’intérêt par la commission des Beaux Arts de la Convention.
Le soubassement en bronze du monument aux gisants d’Henri et Catherine a , lui, moins de chance et part à la fonte.
3) 1792-1793 – Sur ordre de la Convention nationale – destruction des insignes de la féodalité et des tombeaux nobles ou princiers dans tous les édifices de la République. Dans toute la France, la destruction des tombeaux et gisants commence.
Les églises parisiennes voient leurs tombeaux disparaître, les sépultures violées et les ossements disparaître aux quatre vents.
4) 1° août 1793 – Le Comité de Salut public décide du sort des tombeaux et des corps royaux de Saint-Denis, en même temps que de celui de Marie Antoinette et de ses enfants, le 1° août 1793.
Après avoir proposé « de réduire les enfants de Louis le Conspirateur à ce qui pourrait être strictement nécessaire pour deux simples individus, et d’abandonner Marie Antoinette à l’accusateur public », Bertrand Barère de Vieusac, parlant au nom du Comité de Salut public, déclare que « pour célébrer la journée du 10 août, qui a abattu le trône, il fallait, dans son anniversaire, détruire les mausolées fastueux qui sont à Saint-Denis . Car dans la monarchie, les tombeaux même avaient appris à flatter les rois. L’orgueil et le faste royal ne pouvaient s’adoucir sur le théâtre de la mort ; et les porte-sceptres, qui ont fait tant de maux à la France et à l’humanité, semblent encore, dans la tombe, s’enorgueillir d’une grandeur évanouie. La main puissante de la République doit effacer impitoyablement ces épitaphes superbes et démolir ces mausolées qui rappelleraient encore des rois l’effrayant souvenir. »
Le rapport est accepté par la Convention.
5) Du 6 au 8 août, les monuments funéraires en pierre et en marbre sont démontés et subissent des mutilations. Certains sont sciés, d’autres cassés à la masse. Alexandre Lenoir a toutefois pu sauver un grand nombre de tombeaux démontés pour les transférer au Musée des Monuments français qu’il a créé dans l’ancien couvent des Petits Augustins.
Mais à cette occasion, les tombes médiévales sont profanées et des ossements dérobées.
On sort les morceaux de monuments et de gisants par le portail Nord. Ils sont laissés à l’abandon au milieu du cimetière des moines.
6) Octobre 1793 - La profanation des corps des rois…En octobre, c’est au tour des corps des princes de subir la haine révolutionnaire.
Alexandre Lenoir défend les tombeaux des rois à Saint-Denis contre des révolutionnaires (1793)
Dessin aquarellé de Pierre Joseph Lafontaine
Paris, Musée Carnavalet- Musée Carnavalet / Roger-Viollet -
On reconnait au fond le tombeau de Louis XII Du 12 au 25 octobre, les sépultures sont systématiquement violées. Deux fosses communes creusées dans le cimetière des moines au Nord de la basilique attendent les restes royaux et princiers.
Les caveaux sont ouvert et le contenu de chaque tombe est examiné (on recherche les objets précieux, sceptres, bagues, couronnes…). Les cadavres sont jetés dans la fosse des Valois (qui est aussi celle où Mérovingiens, Carolingiens, et Capétiens directs sont précipités) et dans la fosse des Bourbons.
La fosse dite des Valois est à gauche, celle des Bourbons en haut à droite
(emplacements représentés par un rectangle hachuré) Au total, les révolutionnaires y ont jeté les restes de :
- 43 rois
- 32 reines
- 63 princes du sang
- 10 serviteurs du royaume
- et de deux douzaine d’abbés de Saint-Denis …
Soit plus de 170 corps …
On installe une fonderie devant le portail Nord pour fondre les cercueils et tout le plomb récupéré.
Un procès verbal est dressé sous la surveillance des commissaires politiques de la Convention. Le tout est fait par une quinzaine d’ouvriers.
Des collectionneurs de curiosités descendent dans les fosses pour voir les défunts souverains et en profitent pour s’emparer de restes humains.
Comme au mois d’août, Alexandre Lenoir se rend à l’église pour faire des dessins des objets, squelettes et matériel funéraire retirés. Lui-même n’a pas été à l’abri de la tentation de s’approprier quelques souvenirs macabres. Il fait main basse sur un certain nombre de restes royaux.
Puis on verse de la chaux vive sur ces deux centaines de cadavres et l’on ferme les deux fosses qui devaient être oubliées à jamais.
7) De 1793 à 1806, la basilique de Saint Denis est désaffectée, exposée aux intempéries, sa couverture en plomb ayant été retirée pour être fondue. L’édifice menace ruine.
Il sert finalement d’entrepôt, d’hôpital militaire, et même de théâtre ( !)
On envisage à plusieurs reprises de le démolir, entièrement ou au moins en partie.
Pourtant, le 20 février 1806, Napoléon décide que Saint-Denis sera la « sepultura imperatorum », pour se rattacher aux trois anciennes dynasties qui avaient régné pendant 1300 ans.
Aussitôt les travaux de restauration commencent.
Louis XVIII fera ramener après 1816 les tombeaux et gisants qui avaient pu être sauvés de la tourmente révolutionnaire. Il fera rouvrir les deux fosses communes, mais il n’y avait plus que des ossements entremêlés, impossibles à identifier. Ils furent extraits puis regroupés dans un ossuaire, dans l’ancien caveau du maréchal de Turenne.