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Les tombes primitives de Charles Martel et de Pépin le Bref
La dynastie mérovingienne fut remplacée par les Carolingiens grâce au sacre de Pépin le Bref en 754 dans la basilique de Saint-Denis. Sa femme Berthe et ses fils Carloman et Charles (futur Charlemagne) y furent également sacrés.
Mais des liens entre la nouvelle dynastie et l’abbaye existaient déjà depuis Charles Martel (714-741), père de Pépin et maire du Palais des derniers rois mérovingiens. Charles avait en effet confié l’éducation de ses deux fils aux moines sandionysiens et choisi Saint-Denis comme lieu de sépulture.
On ne sait exactement où se trouvait celle-ci. Au XIII°s, les restes supposés de Charles et de Pépin ont été ramenés sous la croisée du nouveau transept pour y recevoir les gisants que l’on peut aujourd’hui admirer. Entre la translation des cendres royales, ordonnée par Louis IX et effectuée en deux campagnes durant l’année 1264, et la dédicace des nouveaux tombeaux en 1267, trois ans s’étaient écoulés permettant la commande et la réalisation des monuments funéraires. Ces effigies n’étaient évidemment pas réalistes et les gisants étaient conçus comme des figures en pied malgré leur position horizontale.
Gisant de Charles Martel. Commande de saint Louis - XIII°sGisants de Pépin le Bref et de son épouse Berthe dite "au grand pied"
Commande de saint Louis - XIII°s Reste que le souvenir des tombes primitives disparut. Certains indices permettent aujourd’hui d’établir quelques hypothèses pouvant justifier des fouilles archéologiques dans des secteurs jusqu’ici peu explorés.
La tombe du « dragon » : les restes de Charles MartelLe vainqueur des Arabes à Poitiers en 732 n’a cessé d’affirmer son pouvoir à mesure que celui des derniers rois Mérovingiens (les prétendus « rois fainéants ») déclinait. Ce qui ne l’empêchait pas d’assouvir sa cupidité en pillant les églises du royaume franc. Malgré sa réputation controversée, il obtient le privilège de reposer après sa mort (741) à Saint-Denis, dans un imposant sarcophage en marbre au Nord du maître-autel de l’abbatiale.
Dès le IX°s, on racontait à ce sujet une étrange légende.
Charles Martel aurait été damné pour les péchés qu’il avait commis. C’est l’archevêque de Reims, Hincmar, qui en rapporta le contenu à Louis le Germanique : l’évêque d’Orléans, Eucher, aurait eu une révélation des tourments subis par feu le Maire du Palais. Sceptique, Fulrad voulut vérifier cette vision en faisant ouvrir la tombe en présence de témoins. Surprise ! A la grande stupéfaction de tous, on ne retrouva que les restes d’un dragon carbonisé !!!
Cet épisode fut copié dans plusieurs récits historiques de l’abbaye, même si les moines s’efforçaient de le nuancer pour préserver la mémoire de Charles Martel qui leur était fort utile.
C’est que l’enterrement de Charles Martel à Saint-Denis avait scellé l’alliance qui allait unir l’abbaye à la nouvelle dynastie carolingienne. Treize ans plus tard, en 754, le pape Etienne donnait en effet sa bénédiction au changement de dynastie par l’onction à Saint-Denis du fils de Charles Martel, Pépin le Bref, et de ses deux fils.
La tombe de Pépin le BrefPépin et ses fils ont été, avec l’abbé Fulrad, à l’origine de la construction de la 3° église bâtie sur le site. Mais seuls Pépin et la reine Berthe y furent inhumés. Celle-ci mourut en 783 au monastère de Choisy et son corps fut transporté à Saint-Denis pour reposer aux côtés de Pépin, mort en 768.
Charlemagne, qui sera inhumé dans la chapelle palatine d’Aix, avait toutefois exprimé en 769 le vœu d’être enterré auprès de ses parents et de son grand-père, à Saint-Denis. C’est pour se consoler du non respect de cette promesse que les moines se consolèrent en s’appropriant le souvenir du frère de l’empereur, Carloman, au point que l’on finit par croire que son corps se trouvait à St-Denis … alors qu’il avait été inhumé à Reims ! C’est ce qui explique la présence de son gisant dans la basilique depuis le XIII°s.
Vers 835, l’empereur Louis le Pieux déclara que, selon un titulus de l’abbaye, Pépin avait demandé à être enseveli devant l’entrée de l’église (
ante limina basilicae sacrorum martyrum) en signe d’humilité. Suger répéta l’histoire en expliquant que Pépin avait été enterré comme il le souhaitait «
au seuil des portes, prostré et non couché sur le dos, à cause des péchés de son père Charles Martel ». Les pas des fidèles entrant dans l’édifice devaient ainsi piétiner la tombe royal.
La raison donné par Suger se rattache à la légende, mais une cause plus naturelle peut être avancée. Cette pratique découle probablement des objections soulevées au VIII°s contre l’inhumation à l’intérieur des églises. Objections vaines et éphémères, car la pratique reprit de plus belle. En tout cas, l’enterrement « in porticu ecclesiae » (aux portes de l’église) manifestait simplement l’humilité de la personne qui le choisissait.
Détail intéressant donné par Suger : il précise que pour construire son massif occidental, il a dû détruire l’agrandissement que Charlemagne – qui fut lui-même enterré in porticu ecclesiae à Aix-la-Chapelle - aurait fait construire pour abriter la tombe de son père Pépin le Bref.
Au début du XIX°s, Napoléon ordonna de rehausser le niveau du dallage sous le massif occidental de façon à créer deux escaliers d’accès à l’extérieur comme à l’intérieur de l’édifice. A cette occasion, en creusant, on découvrit alors un peu plus à l’Est un sarcophage à l’emplacement approximatif désigné par Suger. Il ne pouvait que se trouver sous l’entrée de l’ancien édifice.
Alexandre Lenoir pensa avoir retrouvé la tombe primitive du premier monarque carolingien et fit un relevé du sarcophage. Il reconnut toutefois qu’il n’avait aucune preuve formelle confirmant son hypothèse.
On ne sait ce qu’est devenu ce sarcophage.
La tombe prétendue (?) de Pépin le Bref - © BNF, Cabinet des estampes Ce secteur n’a pas été exploré par les archéologues aux XIX° et XX°s et certains y songent sérieusement aujourd’hui.
A quand les crédits nécessaires ?
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