C'est une information importante ! Car on sait que Jeanne d'Arc avait précisément brisé son épée (celle de Sainte-Catherine de Fierbois) à Saint-Denis.
Pourriez-vous nous préciser ici le contenu exact des extraits tirés des inventaires de 1710, puis de 1752 ?
C'est que le moindre détail a en effet son importance.
1°) Le portrait :
S'agissant du tableau représentant la Pucelle, est-il mentionné dans les deux inventaires ou seulement dans celui de 1752 ?
Car on ne possède aucun portrait véritable de Jeanne d'Arc fait de son vivant. Le célèbre dessin de Fauquembergue a été réalisé par l'imagination d'un parisien qui n'avait jamais vu Jeanne. L'autre célèbre représentation, celle de Jeanne avec son étendard d'une chronique bourguignonne, date de 1440, soit 9 ans après sa mort.
Bref, aucune représentation réelle de Jeanne n'est parvenue jusqu'à nous. On ne sait rien du visage de l'héroïne.
On sait pourtant qu'elle avait posé, lors du sacre de Charles VII à Reims, pour un artiste écossais. Mais nul ne sait ce qu'est devenue cette peinture ...
Alors le tableau (?) de Saint-Denis était-il une représentation très postérieure ... ou ... ??????
Y at-il des détails dans les inventaires ? Que disent-ils précisément ?
2°) L'épée :
En plus de l'étendard de Jeanne, Charles VII avait voulu lui faire don d'une épée, mais elle refusa, préférant porter une épée qui était conservée dans l'église Sainte-Catherine de Fierbois. Elle fut longtemps interrogée sur cette arme lors de son procès à Rouen. Toutes sortes de légendes circulent sur cette épée, notamment une voulant que ce soit l'épée de Charles Martel.
Trois chroniques, celle de Jean Chartier, le Journal du siège et la Chronique de la Pucelle, mentionnent l'épée et les circonstances de son acquisition par Jeanne d'Arc dans des termes semblables :
- le roi voulait lui donner une épée, elle demanda celle de Fierbois
-on lui demanda si elle l'avait vue, elle répondit que non
Mais nous savons par Jeanne elle-même (interrogatoire du procès) qu'elle était bien restée une journée à Fierbois.
En fait, un forgeron fut envoyé depuis Tours et découvrit l'épée parmi plusieurs ex voto déposés là, apparemment dans un coffre placé devant l'autel. La présence de ces armes dans l'église est expliquée par le
Livre des miracles de Sainte-Catherine de Fierbois, composé vers 1470 et rassemblant des récits notés par le conseil de fabrique de l'église lors de la déposition de certains ex voto.
On y apprend que la chapelle fut entièrement reconstruite en 1375 sur un terrain laissé à l'abandon et couvert de ronces. Au début, les récits ne parlent que de guérisons miraculeuses ou le sauvetage de voyageurs échappant à la noyade lors d'un accident. Toutefois, à partir de 1380 sont mentionnées des rafles de paysans et de voyageurs par des cavaliers anglais venant de Bordeaux pour en tirer des rançons. A partir de 1387 ont lieu des expéditions militaires vers Limoges pour les repousser. Les effets semblent limités puisqu'en 1401 les paysans ne sont plus seulement enlevés mais pendus en masse par les Anglais dans le Périgord. Après 1415 et le désastre d'Azincourt, des hommes d'armes viennent déposer leur armement en remerciement de la protection de sainte Catherine.
C'est parmi ces armes que fut prise l'épée donnée à Jeanne.
Cette épée fut donc portée par la Pucelle lors des batailles d'Orléans, de Patay, pendant la campagne de la Loire et le sacre de Charles VII à Reims.
Lorsque le roi et Jeanne s'installèrent à Saint-Denis au moment de l'attaque sur Paris, la Pucelle brisa, dit-on, son épée sur le dos d'une prostituée qu'elle voulait chasser. Elle avait déjà ainsi chassé des filles de joie de l'armée à Auxerre et à Château-Thierry, selon Jean Chartier et son page Louis de Coutes. S'il est vrai que Jeanne n'aimait guère les ribaudes et les chassait des camps militaires, il paraît peu vraisemblable que ce soit sur le dos d'une prostituée que l'épée se soit effectivement brisée. Sans doute une chute en fut la cause pendant cette petite poursuite.
Détail intéressant, le duc d'Alençon précise que l'incident intervint après l'échec de la tentative sur la porte Saint-Antoine.
Une Jeanne un peu exaspérée de retour à Saint-Denis aurait donc eu ce geste d'agacement envers un groupe de prostituées rôdant près de ses hommes.
L'aurait-elle regretté après, en faisant offrande de cette épée brisée comme ex voto à l'abbaye, en compagnie de son armure ? Car l'on sait que Charles VII se montra très mécontent du bris de l'épée. Y voyait-il un symbole fâcheux ? Celle-ci avait pris des allures d'arme magique aux yeux des compagnons de Jeanne et sa destruction passa pour un mauvais présage.
Les chroniques ne donnent aucun indice sur ce que sont devenus les morceaux.
Alors ? Si les Anglais se sont emparés de son armure lors de la reprise de Saint-Denis, seraient-ils passés à côté d'une simple épée brisée qui ne les intéressaient guère ? C'est possible et les moines ont pu la conserver puisque c'était un ex voto. Après la réhabilitation de Jeanne en 1456, les débris pouvaient acquérir une valeur plus importante. Avec le temps, on aurait pu la placer dans le trésor.
Cher Saint-Eloi, un détail nous renseignerait-il ? Un bout d'épée dans le trésor ? Des morceaux ? Ou un texte restant vague ? (On pouvait appeler "épée de ..." un ou deux morceaux, étant donnée son importance historique, sans mégoter...)
Qu'en pensez-vous ?