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Le sac de Saint-Denis (1567) et les tombeaux royauxplan de la bataille de Saint-Denis le 10 novembre 1567,
extrait d'un manuscrit de Stephanus Vitellius, XVI°s ; Médiathèque de Plaine Commune (détail)
tiré de l'ouvrage de Joël Cornette, Henri IV à Saint-Denis, 2010
En 1567, durant les guerres de Religion, les huguenots s’emparèrent de Saint-Denis. Cette occupation eut-elle des conséquences pour la nécropole royale ?
Le contexte : l'occupation précédant la bataille de Saint-Denis (10 novembre 1567)Le sac de la ville de Saint-Denis est la conséquence de la « surprise de Meaux », la tentative par le prince de Condé le 28 septembre 1567 de s’emparer du roi Charles IX au château de Montceaux-en-Brie, à deux lieues de Meaux, pour le « délivrer » de l’emprise jugée néfaste de ses conseillers, la famille de Guise étant principalement visée.
Le soir même, vers minuit, Charles IX quitta Meaux en toute hâte sous l’escorte de 6000 Suisses pour rentrer à Paris où il s’enferma au Louvre.
Au même moment, apprenant que le duc d’Albe longeait les frontières françaises pour gagner les Flandres, les protestants sont pris de panique à l’idée que l’entrevue de Bayonne entre Catherine de Médicis et sa fille la reine d’Espagne aurait prévu une intervention militaire espagnole dans le but d’exterminer le parti protestant. Cette rumeur était d’ailleurs totalement fausse, la reine mère ayant bien résisté aux propositions de Philippe II en ce sens.
C’est dans ce contexte d’angoisse que le prince Henri de Condé, chef des protestants, décide de réagir à la menace prétendue. Il s’empare de la ville royale de Saint-Denis et de son abbaye le 2 octobre. Avec ses troupes, il y restera jusqu’en novembre 1567.
La reine Catherine agit alors promptement en réunissant argent et armes, tout en ne rejetant pas la négociation. Mais les orgueilleuses et inacceptables exigences de Condé menèrent à l’affrontement. Les protestants tenaient Saint-Denis et menaçaient Paris. Condé avait déjà voulu assiéger la capitale durant la première Guerre de religion. Il n’était plus question de le laisser faire.
Le roi ordonna donc au connétable de Montmorency, âgé de 74 ans, de foncer sur Condé.
Le connétable Anne de Montmorency (1493-1538-1567)
Le connétable sortit de paris en grand équipage, forçant Condé et Coligny à disposer leurs troupes sous les murailles de Saint-Denis, de façon précipitée.
Le 10 novembre 1567, la bataille s’engageait dans la plaine Saint-Denis puis autour de la ville ... et tourna au carnage. Montmorency eut le dessus et se battit avec vaillance. Couvert de blessures, il fut vainqueur. Condé s’enfuit, ses troupes défaites. L’abbaye de Saint-Denis fut évacuée dans un grand désordre.
Mais le connétable était très sérieusement blessé. Ramené dans son hôtel parisien, il ne survécu pas à ses blessures et à son âge. Il mourut deux jours après la bataille, le 12 novembre, ayant considérablement accru le capital de gloire de sa famille en laissant la vie pour Dieu et pour le roi. La reine fit décider pour le connétable des funérailles royales : exposition du corps à l’hôtel de Montmorency, service religieux suivi d’un festin de deuil pendant quatre jours, grande cérémonie religieuse à Notre-Dame. Le 26 novembre, le corps du connétable fut conduit à Saint-Martin de Montmorency ; il fit une courte station en la basilique de Saint-Denis, devant le tombeau du roi Henri II, son ancien maître et ami.
Une sépulture magnifique fut commandée à Jean Bullant et édifiée dans la nef de Saint-Martin de Montmorency, enrichie de statues exécutées par Barthélemy Prieur. Ce tombeau a été détruit durant la Révolution. Mais les deux gisants du connétable et de son épouse sont aujourd'hui au Louvre.
Un projet (XIX°s) de restitution du tombeau du connétable en l'église Saint-Martin de Montmorency.
Il ne fut jamais réalisé. Mais que s’était-il passé dans l’abbaye de Saint-Denis occupée par les huguenots entre le 2 octobre et le 10 novembre 1567 ? En 1625, dans son Histoire de l’abbaye de Saint-Denis, le moine dom Jacques Doublet présente un tableau apocalyptique de l’événement : «
Tout fut sacrilège, pillé, desrobé (…). La tres excellente, tres rare et tres exquise Librairie fut toute pillée, et tant de beaux livres, aussi tant excellents et rares manuscrits qui y avoient esté amassez depuis un millier d’années, très anciens, et en toutes langues ; et pareillement tant de beaux esprits de grands personnages qui y avoient esté abbez et religieux, perdus, gastez et dissipezs ; laquelle Librairie n’estoit pas moins estimée que le thresor ; ce qui arriva en l’année mil cenq cents soixante sept ».
Mais la plupart des témoignages nuancent ou infirment cette vision noire. Claude Haton, curé de Provins, fait remarquer dans ses Mémoires, à la date de 1567, que «
toutes les reliques des saincts et autres choses sacrées furent saulvez, mais en grande diligence ».
François de Belleforest, dans sa Cosmographie universelle (1575), écrit que l’église abbatiale fut épargnée et ménagée et qu’aucune image ne fut renversée. Fait assez exceptionnel de la part des troupes protestantes. C’est que les tombeaux royaux impressionnaient et nul ne songea à s’en prendre à eux. Belleforest explique que c’est «
à cause que le prince qui commandoit à (ses) troupes ne le voult onc souffrir ». Henri de Condé était prince de sang royal avant tout ; il avait grand respect pour la nécropole de ses ancêtres.
Au total, ce sont les églises paroissiales de Saint-Denis qui furent saccagées et pillées. Dans le monastère royal, les dégâts furent limités :
- dans la bibliothèque, nombre de livres furent volés (et là dom Doublet a raison)
- dans la salle capitulaire du XIII°s, les grandes baies vitrées furent détruites (à la suite d'un repas trop arrosé ?).
Entre 1998 et 2002, les fouilles à cet emplacement permirent d’identifier une phase de démolition que les expertises scientifiques ont pu dater de la mise à sac de 1567. Le niveau de démolition renfermait près de 1500 fragments de vitraux provenant des verrières de la salle. Les verres de couleurs, peints à la grisaille, restituent un décor mettant en scène des personnages sur fond de mosaïque caractéristique du XIII°s. Cette belle salle fut détruite en 1700 lors de la reconstruction de l’abbaye.
fondations de l'ancienne salle capitulaire ; fouilles UASD - photo J. Mangin Mais finalement, les huguenots n’ont pas cherché à purifier le sanctuaire par une action iconoclaste. Ils ont même respecté la symbolique dynastique des tombeaux royaux.
Avant le désastre de 1793, c’est la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons, puis l’invasion et l’occupation anglaises (1419-1435) qui ont amputé ou fait disparaître des tombeaux ; parmi ceux-ci, les plus beaux, ceux de Philippe Auguste, Louis VIII et saint Louis …
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