Le tombeau du roi Dagobert Le 16 janvier 639, Dagobert, Roi des Francs, meurt à l’âge de 36 ans. Il est enterré à droite du maître-autel.
Le monument actuel du XIII°s, en pierre, rehaussé lors de sa création d’un riche décor peint (disparu aujourd’hui), fut érigé par les moines au Sud du maître-autel au-dessus de la fosse d’inhumation, pour commémorer le fondateur légendaire de l’église, le roi Dagobert.
Déjà, aux IX°s la sépulture du roi mérovingien et de son épouse avait été ornée par des « tombes en or » (aurea busta). On ne sait à quelle époque elles disparurent, car au début du XIII°s, il n’y avait plus que de simples dalles.
Or, le fondateur prétendu de l’abbaye méritait, plus que tout autre, le tombeau monumental destiné à recevoir ses restes. Il a sans doute été réalisé dix ans avant la commande de saint Louis pour les tombeaux du chœur.
Le monument représente le roi bienfaiteur de l’abbaye – et sans doute fondateur du monastère – couché de flanc, les mains jointes, le regard éternellement tourné vers le tombeau des trois martyrs, ses patrons, sur un lit entouré de deux statues, comme dans un enfeu :
- à gauche, Nanthilde, son épouse
- à droite, Clovis II, son fils, tenant le plan relief de la basilique.
Selon les Gesta Dagoberti, la reine et son fils étaient présents auprès du Roi, à Saint-Denis, au moment de sa mort.
Au dessus, les trois registres du tympan racontent l’histoire expliquant la pose inhabituelle de Dagobert et sa prière ininterrompue au saint qui l’a sauvé de la damnation. Le monument semble symboliser ainsi un portail qui permettra à Dagobert de gagner le paradis et le salut.
- au premier panneau (en bas) : saint Denis apparaît à un moine, dans une île de Calabre et lui demande de prier pour Dagobert qui vient de mourir ;
- au panneau du milieu : Dagobert passe le Styx sur la barque de Caron ; les démons essaient le retenir le roi ;
- en haut : l’âme de Dagobert, représentée comme on le faisait au Moyen Age, sous la forme d’un petit enfant, est introduite au ciel par saint Denis, saint Maurice et saint Martin ;
- Au faîte de l’archivolte, le Christ triomphant entouré de saint Denis et de saint Martin.
Ainsi sont illustrés de façon très vivante les épisodes du récit de Hincmar dans les Gesta Dagoberti regis, qui racontent comment fut miraculeusement sauvée l’âme de Dagobert grâce à l’intervention de saint Denis.
Un dessin de la collection Gaignières montre que des inscriptions commentaient jadis les différentes scènes.
Les dates du règne de Dagobert étaient aussi mentionnées… mais de façon erronée.
Au dessus du gisant de Dagobert : « Cy gist dagobert premier fondateur deceans / roy en lan 632 iusque a 645 » (sic) ;
Au registre suivant : « S. denis reuele a Iehan anacoreste que lame de dagobert est ainsy tormentée » ; et enfin « lame de dagobert est deliuree par les merites de S. denis S. martin et S. maurice ».
Dans son récit des aventures post mortem de Dagobert, Hincmar prétend transmettre le témoignage donné à saint Ouen par Ansoald, illustre défenseur ou advocatus de l’Eglise de Poitiers. De retour de Sicile, Ansoald visite une petite île sur laquelle vit un vieil ermite nommé Jean. En apprenant qu’Ansoald vient de France, l’ermite insiste pour lui parler de la vie et des mœurs du roi Dagobert.
Et vient le récit.
Un jour qu’il se reposait, un homme vénérable lui était apparu, lui enjoignant de se lever sans retard afin de prier la clémence divine pour l’âme de Dagobert, roi des Francs, qui était mort le jour même. Jean s’empressa d’obéir.
Il vit alors une armée d’esprits maléfiques qui emportaient Dagobert, enchaîné et battu, dans une barque à travers la mer vers les régions infernales. Dagobert implorait de l’aide, invoquant les saints martyrs Denis et Maurice et le confesseur saint Martin de Tours. Alors le tonnerre et les éclairs déchirèrent les cieux, annonçant l’arrivée de trois hommes en blanc. Denis, Maurice et Martin prirent Dagobert et le remirent dans le sein d’Abraham, avant de se lancer à la poursuite de l’armée des démons. Puis les trois saints victorieux emportèrent avec eux l’âme du Roi.
Cartel de la basilique de Saint-Denis A la fin de son récit, Hincmar ajoute que toute l’histoire est consignée dans une charte de saint Ouen et, pour prouver l’authenticité des faits, il mentionne la fondation par le roi d’églises consacrées à ces saints, lesquels se sont souvenus de l’amour que leur vouait Dagobert, lorsqu’il les a invoqués.
Le message est clair : Saint-Denis était un haut lieu de protection pour les âmes des souverains défunts. Transmis par le monument, il n’a pu laisser insensibles Louis IX et ses successeurs.
Après avoir été découpé au moment de la Révolution puis implanté en 1795 au Musée des Monuments français, le tombeau de Dagobert a recouvré son intégrité et son emplacement d'origine grâce à Violet-le-Duc en 1859.