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La Maison d'Education de la Légion d'Honneur à Saint-Denis (dans l'ancienne abbaye)
Les demoiselles, rangées pour accueillir le président Valéry Giscard d'Estaing en 1979
Vestibule octogonal, ancien Salon d'Honneur de l'abbayePhoto H. Guérard, tiré de : Michel Le Moël, L’abbaye royale de Saint-Denis ,
Maison d’Education de la Légion d’Honneur, 1980 Les bâtiments de l’abbaye de Saint-Denis, vidés de leurs religieux depuis la Révolution, doivent à Napoléon leur renaissance à partir de 1809.
Le 25 mars de cette année, l’empereur signait un décret attribuant l’abbaye de Saint-Denis à l’ordre de la Légion d’honneur pour y établir « sous la surveillance de notre grand chancelier, une maison impériale d’éducation pour les filles de la Légion ».
Certes, dès le 24 frimaire an XIV (16 décembre 1805), de son quartier de Schönbrunn, Napoléon Ier décrétait l'établissement des Maisons impériales d'Éducation pour les filles des Légionnaires civils et militaires. La première de ces maisons fut ouverte au château d'Ecouen en 1807 et dirigée par Madame Campan, première Surintendante.
On ne peut pas ne pas faire de rapprochement entre les maisons d'éducation de la Légion d'honneur et la Maison royale de Saint-Louis, créée par Madame de Maintenon à Saint-Cyr, dans les bâtiments construits par Mansart que Napoléon Ier affecta en 1808 à l'école des officiers de l'armée française. Le jeune Bonaparte avait connue la vieille institution pour jeunes filles puisque sa sœur Élisa y était élève et qu'il était venu l'y chercher en 1792.
En outre, la mission éducative de l’Ordre de la Légion d'honneur est elle-même dans la continuité de celle de l'Ordre de Saint-Louis : être destinée à des filles d'officiers pauvres ou orphelines, avec divisions en classes ayant chacune leur couleur marquée par des rubans dans le costume, vouloir donner une éducation complète et moderne.
Cependant on sait que l'empereur voulait se démarquer de Saint-Cyr, dont il n'avait pas une bonne opinion. Ainsi, dans sa lettre du 15 mai 1807, il précisait: « Gardez-vous de suivre l'exemple de l'établissement de Saint-Cyr où on dépensait des sommes considérables et où on éduquait mal les demoiselles ».
Premier uniforme : la robe blanche de 1807 -
trop fragile, elle laissa vite la place en 1808 à un uniforme noir.
Photo H. Guérard, tiré de : Michel Le Moël,
L’abbaye royale de Saint-Denis ,
Maison d’Education de la Légion d’Honneur, 1980À cette époque, il existait de nombreux lycées militaires pour éduquer les garçons et en faire de futurs soldats, mais les filles étaient délaissées à cause de la dispersion par la Convention de toutes les congrégations d'enseignement. Napoléon Ier créa ces maisons d'éducation pour subvenir à l'éducation et aux besoins des filles — très souvent orphelines — de ses soldats les plus méritants. Son premier souhait avait été de prendre en charge les fils et les filles des officiers et des soldats morts à Austerlitz ; mais ce projet, présenté le 7 décembre 1805, fut finalement abandonné.
L'empereur, dans une lettre du 15 mai 1807, donna lui-même les grandes lignes de l'éducation qu'il voulait procurer aux jeunes filles : « Élevez-nous des croyantes et non des raisonneuses ». Il préconisait des études simples, visant à « maîtriser la vanité qui est la plus active des passions du sexe » et à faire en sorte que les élèves deviennent des mères de famille modestes ». C’est pourquoi les pensionnaires n’étudieront que des rudiments d’arithmétique, de langue française, de Géographie, d’Histoire, et de sciences.
Mais ni le latin ni aucune langue étrangère ne leur seront proposés.
En revanche, une grande importance est accordée au travail manuel pour faire de ces jeunes filles des « femmes utiles ». Cette pensée se concrétise sur les « cartes de contentement » distribuées aux élèves méritantes. Au projet qui agrémentait le cartouche du billet d’une lyre et d’un luth, la volonté impériale substitua une écumoire, un plumeau…et une cuillère à pot !
Portrait de Mademoiselle Moller, professeur de dessin, et d'une élève de la Maison d'Education au temps de Louis Philippe
Musée municipal de Saint-Denis En tout cas, ce n’est qu’en 1811, conformément au décret national du 25 mars 1809, que le comte de Lacépède, premier Grand Chancelier de la Légion d'honneur, aidé par Madame du Bouzet, seconde Surintendante, fit installer la deuxième maison dans l'abbaye de Saint-Denis, alors qu’un premier choix avait été fait en faveur du château de Chambord.
Le Salon d'honneur aux boiseries du XVIII°s, avec le tableau montrant "La fondation des Maisons d'Education de la Légion d'Honneur par Napoléon I°" et de nombreux portraits de Grands ChancelierPhoto H. Guérard, tiré de : Michel Le Moël, L’abbaye royale de Saint-Denis , Maison d’Education de la Légion d’Honneur, 1980La Salle à manger, avec son poële et ses rafraîchissoirs
Photo H. Guérard, tiré de : Michel Le Moël, L’abbaye royale de Saint-Denis , Maison d’Education de la Légion d’Honneur, 1980 Madame du Bouzet (devenue baronne en 1812) avait été préférée à madame Campan car la gestion financière de celle-ci à Ecouen s’était révélée un peu légère.
Le 16 décembre 1809, la reine Hortence, ancienne élève de madame campan, fut nommée « Princesse protectrice » des deux maisons.
Dans chaque fondation, la surintendante «était assistée de six dames dignitaires, dix dames de première classe, vingt dames de deuxième classe. Un total de 600 pensionnaires était envisagé pour les deux maisons.
En réalité, on comptait 172 élèves à Saint-Denis au printemps de 1812.
Par ailleurs, pour célébrer la naissance de son fils, futur Louis XIV, à Saint-Germain le 5 Septembre 1638, Anne d'Autriche avait fait élever à proximité de la chapelle de Saint-Fiacre un couvent des Augustins, dont les bâtiments encore debout en 1811 furent destinés par Napoléon Ier à l'internat des orphelines de Madame de Lezeau. Cet orphelinat devint, sous Louis XVIII, en 1816, la troisième Maison d'Éducation de la Légion d'honneur, après Ecouen et Saint-Denis.
Entièrement reconstruite sous Napoléon III, puis enveloppée de constructions nouvelles, en 1962, la Maison des Loges accueille depuis lors, le premier cycle de l'enseignement secondaire (la Maison d'Ecouen étant transformée en Musée national de la Renaissance).
Alors que St Germain prend en charge les collégiennes, la Maison de Saint-Denis accueille les lycéennes.
Uniforme fin Charles X (vers 1829-1830)Uniforme début Second Empire (vers 1855)
Uniforme vers 1950-1980
Photo H. Guérard, tiré de :
Michel Le Moël, L’abbaye royale de Saint-Denis ,
Maison d’Education de la Légion d’Honneur, 1980Uniforme actuel, de printemps (2007)
Depuis Napoléon, les choses ont bien changé. L’éducation reçue à la Maison de la Légion d’honneur est d’un haut niveau.
Pour chaque niveau, il existe une classe de maîtrise dans laquelle les élèves (une soixantaine au total) reçoivent un enseignement approfondi de chant choral, de musique et d'histoire de la musique, et font l'apprentissage de divers instruments. Les maisons abritent des studios où les élèves peuvent jouer de leurs instruments en dehors des heures d'enseignement. Les élèves maîtrisiennes s'expriment en concerts et chantent lors de cérémonies officielles. Elles donnent chaque année le « concert présidentiel » ou « concert du président » dans l'une des deux maisons, auquel assiste le président de la République ou son représentant. A Saint-Denis, le concert peut être donné dans la basilique. C’était le cas du temps du président Mitterrand qui, très assidu, s’y rendait chaque année.
La chorale, photo extraite du livre "Portrait des demoiselles de la Légion d'Honneur", de Gérard Monico, 1992 L'enseignement des langues étrangères est important : si dès la classe de 6e, les élèves peuvent étudier deux langues vivantes (anglais et allemand, comme dans les collèges ordinaires), des cours de chinois existent aussi dès la 5°. L'apprentissage des langues passe également par des échanges avec des établissements étrangers ; Saint-Denis organise notamment des séjours de quatre semaines en immersion totale.
Les différentes sections proposées au lycée à la Maison de la LH à Saint-Denis sont :
• Littéraire (L) spécialité langues (anglais, allemand espagnol (LV3), russe (LV3), grec, latin), spécialité mathématiques, ou spécialité arts (arts plastiques, musique)
• Scientifique (S) spécialité mathématiques, sciences de la vie ou de la terre, ou physique chimie
• Économique et sociale (ES) spécialité anglais, allemand, maths, sciences economiques et sociales
• Sciences et technologie de la gestion (STG) spécialité action et communication commerciales.
Le lycée de Saint-Denis propose également une préparation au test d'anglais TOEFL et au concours d'entrée à l'IEP de Paris
En juin 2008, 100 % des élèves de terminale de Saint-Denis ont été reçues au baccalauréat (avec 90 % de mentions) et 100 % des élèves de BTS commerce international ont été reçues.
Le 1er septembre 1989, Saint-Denis a ouvert une classe préparatoire de Lettres Supérieures (hypokhâgne), et le 1er septembre 1994, une classe de Première Supérieure (khâgne). Le 1er septembre 1990 s'est ouverte une classe de BTS de commerce international, avec option de préparation au concours d'entrée dans les écoles supérieures de commerce.
La maison accueille donc aujourd'hui, dans le cloître de l'ancienne abbaye royale, 500 élèves de lycée de la 2e à la terminale ainsi que les classes d'hypokhâgne, de khâgne, et de BTS de commerce international.
Madame la Surintendante, avec les demoiselles, raccompagne le président Giscard d'Estaing après sa visite (1979) Toutes les élèves des Maisons d'éducation de la Légion d'honneur sont pensionnaires, et l'internat est également ouvert les week-ends. Chaque élève du secondaire doit avoir un « correspondant » habitant en région parisienne, qui sera chargé de venir la chercher quand elle sort de la maison, notamment en fin de semaine. Les élèves des classes post-bac ont le choix entre deux régimes : soit l'internat avec un règlement assoupli où les sorties sont libres, soit l'« internat externé », où l'élève prend ses repas de midi et du soir dans l'établissement mais réside au-dehors.
Le port de l'uniforme est obligatoire. Celui-ci a connu de nombreuses variations au cours des années. Sa dernière réforme date de la rentrée scolaire 2007.
Il est constitué d'une robe bleu marine, sans manches , et d'un chemisier blanc à manches courtes en été et à manches longues en hiver. L'uniforme est complété par une ceinture dont la couleur indique le niveau :
• verte pour les classes de 6e ;
• violette pour les classes de 5e ;
• aurore (orange) pour les classes de 4e ;
• bleue pour les classes de 3e ;
• nacarat (rouge) pour les classes de 2e ;
• blanche pour les classes de 1e ;
• multicolore (reprenant les couleurs des niveaux inférieurs) pour les classes terminales.
La ceinture est toujours portée en « baudrier ». Les élèves portent également un manteau bleu à boutons dorés et un béret pour les sorties officielles.
Il est fréquent de désigner par métonymie une élève ou une classe du cycle secondaire par la couleur de sa ceinture : « une verte » ou « les bleues ».
L'uniforme des classes post-baccalauréat est un tailleur bleu marine avec un badge ; le badge est jaune pour les classes préparatoires littéraires et bleu pour le BTS.
Le trousseau d'uniforme est acheté neuf lors de l'entrée dans une maison, et il se paye par tiers au début de chaque trimestre, y compris pour les familles qui bénéficient de réductions des frais de pension .
La devise des Maisons d'éducation de la Légion d'honneur, inscrite sur leur fronton, est
Honneur et Patrie.
Les élèves sont logées dans des dortoirs d'à peu près 2 ou 3 classes, soit entre 40 et 70 élèves, et sont surveillées par des « maîtresses d'internat ». Celles-ci peuvent les sanctionner pour une mauvaise conduite, notée par des « croix » (au bout de cinq croix une heure de colle, dix croix changement de dortoir partiel, vingt croix changement de dortoir définitif).
La vie scolaire est ponctuée de cérémonies : outre le concert présidentiel, chaque veille de vacances scolaires a lieu la « lecture du rapport » où sont annoncés les résultats des élèves ; celles qui se distinguent par leurs résultats ou leur comportement reçoivent des récompenses ou « médailles » et la traditionnelle boum ou les élèves festoient jusqu'à 22 heures pour les sixième-cinquième et 23 heures pour les quatrième-troisième. À la fin de l'année a lieu la remise des prix, présidée par une personnalité extérieure, ainsi que par le grand chancelier de la Légion d'honneur.
En 2002, un accent particulier fut mis sur la commémoration du bicentenaire de la Légion d'honneur : lors du défilé du 14 juillet, les élèves des maisons d'éducation formèrent un puzzle de toile géant en forme de croix de la Légion d'honneur place de la Concorde à Paris face à la tribune présidentielle. Avec leurs familles, elles furent ensuite invitées par le grand Chancelier de la Légion d'honneur à dîner avec les Cadets de West Point — présents au défilé — dans les salons de l'École Militaire, puis à admirer le feu d'artifice tiré sur le Champ de Mars.
A noter qu'il existe au Nord-Est du parc de la Légion d'honneur un cimetière où reposent les jeunes lycéennes décédées sur place au XIX° siècle. Quelques Surintendantes y reposent aussi.
Des générations de demoiselles : filles, petites-filles ou arrière-petites-filles de Légionnaires se sont donc succédé dans ces Maisons d'Éducation. Les filles, petites-filles ou arrière-petites-filles des membres de l'Ordre national du Mérite y sont également admises maintenant, ainsi que les filles, petites-filles et arrière-petites-filles de Médaillés militaires.
Ces Maisons ont survécu à tous les régimes politiques sous deux Empereurs, trois Rois et quatre Républiques. Elles gardent en mémoire l'esprit du fondateur, qui comblait un vide en matière d'éducation féminine.
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