Procès-verbal de l'extraction des cercueils royaux et princiers du 18 octobre 1793 au 18 janvier 1794

Je vais poster ci-après les 19 pages et les 2 plans dessinés du rapport d'exhumation des cercueils royaux , princiers et de quelques autres illustres personnages de l'église abbatiale de Saint-Denis , rédigé au jour le jour du samedi 18 octobre 1793 au 18 janvier 1794 .

Ce document exceptionnel est la copie faite par Dom Druon en 1796 , du rapport autographe originel de Dom Poirier , qui a brûlé en 1794 dans l'incendie de la bibilothèque de l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés .
Il est conservé aux Archives Nationales sous la cote AE1 15 .

Ces pages ne sont pas postées dans leur résolution maximale que je possède afin d'en faciliter la lecture et l'étude ultérieure . Mais si cela vous interresse , je peux vous,les envoyer par mail ou mp , en plusieurs fois car c'est un lourd dossier

" Journal Historique de l'extraction des cercueils de plomb des Rois , Reines , Princes , Princesses , abbés et autres personnes qui avaient leurs Sepulture dans l'Eglise de l'abbaïe roïale de St Denis en France "


Archives Nationales-AE1 15


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On remarquera à la lecture de ce procès-verbal que peu de dépouilles royales étaient embaumées ou du moins bien conservées : parmi celles-ci Henri IV , Louis XIII , Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche .

Le corps de Louis XV , dont on sait qu'il ne fut pas embaumé du fait du risque de contagion de la petite vérole , était intact à l'ouverture du cercueil de plomb , baignat dans une saumure résultant des sels employés pour sa conservation . Mais quelques heures après il se décomposa très rapidement .

Les corps de Marie de Médicis et de Marie Leczinska tombèrent très rapidement dans un état de putréfaction insoutenable .

Les autres corps des princes et princesses étaient putréfiés et les exhalaisons nocives en résultant obligèrent plusieurs fois les ouvriers chargés de ce " travail " de profanation à sortir du caveau . Certains mentionnent même des cas de perte de connaissance .

Quant aux cerceuils des Valois , inhumés dans la crypte du même nom creusée en 1719 suite à la démolition de la rotonde sous la Régence , ils sont décrits comme présentant d'importantes traces de " coulures noires " anciennes s'échappant des jointures de plomb .
Cela est prbablement le résultat du transfert de ces cercueils : ceux-ci étant très lourds et encombrants , ils furent parfois verticalisés afin de monter et descendre les différents escaliers et accès à la nouvelle crypte . Les corps furent alors secoués et des liquides de putréfaction mélés aux produits d'embaumement s'échappèrent des couvercles de plomb qui n'étaient plus étanches .

D'où certainement le très mauvais état des corps des Valois .

On notera la mention très interressante de motifs partiellement dorés qui recouvraient ces cercueils , en partie oxydés par ces liquides .

Ces 19 pages rédigées dans une efficacité , une précision et une froideur toute administrative sont accompagnées de deux plans dessinés de visu et in situ .
L'absence totale de sentiment et d'émotion dans ce journal montre bien à quel point les profanateurs révolutionnaires ne mesuraient alors pas ce désastre qu'ils accomplissaient , à savoir l'anéantissement de plus d'un millénaire d'histoire de France

Le premier plan dessiné présente le choeur et le transept de l'église abbatiale avec encore figurés les tombeaux et les autels , qui n'avaient donc pas encore été retirés ou détruits à ce moment-là .

De plus on voit nettement à gauche du transept nord les deux fosses creusées au milieu-même des anciennes fondations circulaires de la rotonde des Valois disparue en 1719 .

La fosse du haut est celle des Bourbon , l'autre recevant les Valois et dynasties précédentes .
On distingue en outre à droite une petite structure griffonée , peut-être une troisième petite fosse ( pour les coeurs ? ).

Enfin ce plan très précieux permet de constater que la grille du XVIIIème siècle dessinée par le frère Pierre Denis et ayant remplacée l'ancien jubé est toujours en place avec ses retours entourant les piliers comme on peut le voir sur la gravure postée dans le sujet posté par Alexandre Lenoir ICI-MEME


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Le second plan dessiné présente la situation du caveau des Bourbon tel qu'il se présentait à son ouverture et avant l'exhumation des cercueils royaux et princiers .

On y voit bien sûr à l'entrée du caveau et après quelques marches le cercueil de plomb de Louis XV , puisque la coutume voulait que le dernier roi repose ici en attendant le décès du suivant .

Dans cette crypte très étroite et déjà fort encombrée en cette fin du XVIIIème siècle , on remarquera que les cercueils des rois et reines ne sont pas disposés dans l'odre chonologique de leur mort , mais plutôt par ordre de préséance

Ainsi en haut à droite sont placés tout d'abord les cercueils des trois rois Bourbon , je cite : " Henri IV , Louis XIII , Louis XIV " , puis viennent ensuite les cercueils des quatre reines : " Marie de Médicis , Anne d'Autriche , marie-Thérèse d'Espagne , Marie [ princesse ? je n'arrive pas à déchiffrer ] de Pologne ".

Enfin je remarque après les cercueils royaux sur le mur de droite du caveau deux motifs particuliers , figurant des coeurs : probablement l'emplacement de deux cavités abritant les urnes ou boites de deux coeurs : peut-être ceux du dauphin Louis-Ferdinand fils de Louis XV et de son épouse la dauphine Marie-Josèphe de Saxe , dont les dépouilles furent inhumés dans la cathédrale de Sens .

Plan du caveau des Bourbon dont l'entrée est dans le choeur de l'église et le caveau s'etend entre les chapelles souterrennes par dessous le sanctuaire et le chevet de l'église


Archives Nationales-AE1 15

Je poste en outre le plan gravé de ce caveau présent dans l'ouvrage publié par Dom Félibien en 1706 car ce dernier a le mérite de nommer toutes les personnes inhumées avant cette date , ce qui n'est pas le cas du plan de 1793 qui ne nomme que les souverains et leurs épouses .

Bien sûr il en manque un certain nombre , puisque les inhumations princières durant le XVIIIème siècle ont continué , encombrant ces lieux de façon non négligeable comme on peut le constater .

De plus le plan de Dom Félibien permet même de visualiser les trétaux de fer sur lesquels sont posés les cercueils de plomb , mais aussi , détail émouvant , les tailles différentes de ces cercueils suivant qu'il s'agisse de princes adultes ou enfants .

Enfin encore en 1706 les cerceuils des rois et reines sont disposés parallèlement au mur de la crypte ( afin de les distinguer probablement ) , ce qui n'est plus le cas en 1793 où là encore l'encombrement de ce caveau est certainement à l'origine de ce changement de disposition , sans que je sache quand il a pu intervenir .
Le cerceuil ( marqué E ) à l'entré du caveau est bien sûr à cette époque celui de Louis XIII .

" Plan de la sepulture des princes et princesse de la branche royale de BOURBON , inhumez depuis Henri IV dans l'eglise de Saint Denys en France " .

( Gravure extraite de l'ouvrage de Michel Félibien " Histoire de l'abbayre royale de Saint-Denis " , publié en 1706 )

En fait, de nombreux rois (pas seulement les Bourbons) ont été embaumés, mais l’embaumement ne marchait pas toujours et les résultats, observés en 1793, étaient très variables ( !)

En tout cas, merci à Madame Sophie pour ce document originel exceptionnel, à la fois émouvant et terrifiant. Sa froideur administrative est impressionnante.

On remarquera notamment sur le plan de la basilique l’emplacement des deux fosses communes, au Nord, ayant reçu les restes royaux.

Qui est l’auteur de ce document ? C’est une question complexe. Car il est attribué par les historiens tantôt à Dom Druon, tantôt à Dom Poirier. Alain Boureau le présente comme le rapport de Dom Poirier, le bénédictin de la Commission des Monuments, chargé de récupérer ce qui méritait d’être sauvé.
En fait, il est à peu près sûr aujourd’hui que ce n’est pas exact. C’est bien Dom Druon le rédacteur. Nous le savons, car c’est Alexandre Lenoir qui l’a révélé vers 1817. Celui-ci a aussi précisé que le récit de Dom Druon n’était que la mise au net ou le développement de notes contenues, elles, dans les archives de Dom Poirier .
Ce qui pose un problème. Car on peut dater le document grâce à une allusion aux travaux de la restauration de la toiture de Saint-Denis, après la récupération du plomb en 1795. Or, à l’automne 1796, les matériaux furent apportés mais la restauration n’eut pas lieu ; or, Dom Druon semble croire en son exécution imminente. Plus tard, en 1796-97, la publication du rapport n’avait plus aucun sens politique. Ce n’est donc pas un témoignage écrit à chaud.
Ce qui soulève une difficulté, car les archives personnelles de Dom Poirier, elles, ont brûlé dans l’incendie de la bibliothèque de Saint-Germain des Prés en 1794. Il ne reste qu’un document très sec attribué à la Commission des Monuments mais qui n’entre pas dans le détail des exhumations. Le 30 octobre, devant la Commission, il se contenta de faire un récit très rapide, en reportant son rapport à une date ultérieure. Il ne sera jamais rédigé.
Autant dire que vers 1795-96, Dom Druon n’a pu utiliser les archives de Dom Poirier détruites en 1794. Alors sur quoi s’est-il appuyé ? Le témoignage de son collègue ou des documents ayant échappé à l’incendie de 1794 ? On ne sait trop.

Toujours est-il que Dom Poirier est bien le témoin n°1 des exhumations. Car il est resté présent du 12 au 25 octobre, nuit et jour, se faisant excuser pour son absence à la Commission.
Et ce qui est certain, c’est qu’Alexandre Lenoir va publier le rapport Poirier/Druon en 1801, mais en y rajoutant quelques variantes ou commentaires. Ainsi, l’extrait souvent cité du « crâne scié » d’Henri IV est un ajout de Lenoir en 1801. Il ne figure pas dans le rapport d’origine.

Merci pour toutes ces précisions cher Linceul Royal

Finalement , la tombe du cardinal de Retz a-t-elle été retrouvée ?

Il est dommage par contre que le rédacteur de ce journal n'ait pas dessiné le caveau des Valois

Je vois que vous aussi avez été frappé de la froideur de ce rapport , comme si toutes ces personnes accomplissaient une basse besogne ( indigne elle l'est certes ) .

Il faut bien dire que toutes les églises parisiennes et de France subirent le même sort quant à leurs tombeaux et leur contenu .

Mais à quand même , quelle perte pour notre patrimoine et notre histoire .

Effectivement, la sépulture du cardinal de Retz n'a pas été retrouvé en 1793. Pourtant "nos" profanateurs n'étaient pas très loin du but, fouillant près du tombeau de Marguerite de Flandre. Pour une fois, ils ont loupé le coche !
C'est Violet-le-Duc qui aura l'honneur de retrouver le corps du Coadjuteur, au milieu du XIX° siècle.

Je ferai bientôt le point sur cette question.

En revanche, la présence d'un os décrit par Alexandre Lenoir comme provenant du Cal de Retz et se trouvant dans la caisse aux ossements profanés en 1793 (Caisse hérité de Ledru) sous la crypte centrale, relève soit d'une erreur, soit d'une imposture. Jamais le corps de Rerz n'a été retrouvé en 1793.

Lenoir s'est-il trompé ou a-t-il trompé Ledru ? Car la liste inventaire du contenu de la caisse est bien de la main de Lenoir (expertise graphologique de 1893).

J'apprends en outre qu'est mentionné dans cet effroyable rapport la profanation de la dépouille de Madame Louise , décédée et inhumée dans le couvent des carmélites de Saint-Denis , et dont le cercueil avait été amené tout exprès afin de faire subir les derniers outrages à cette fille de Louis XV .

Cela a eu lieu le 25 octobre 1793 , le même jour que l'ouverture du cercueil du roi Jean le Bon

Alexandre Lenoir a écrit:

Effectivement, la sépulture du cardinal de Retz n'a pas été retrouvé en 1793. Pourtant "nos" profanateurs n'étaient pas très loin du but, fouillant près du tombeau de Marguerite de Flandre. Pour une fois, ils ont loupé le coche ! C'est Violet-le-Duc qui aura l'honneur de retrouver le corps du Coadjuteur, au milieu du XIX° siècle. Je ferai bientôt le point sur cette question.

Merci de votre réponse cher Alexandre Lenoir

j'attends avec impatience votre point .

Au moins il y a un personnage qui a échappé à la profanation

Trouvé sur le forum ami La Folie XVIIIème , ce lien vers les collections historiques numérisées des Archives Nationales et permettant la visualisation complète des documents présentés dans ce sujet ( AE/I/15/12/B -- ) , ainsi que leur agrandissement :

CLIQUEZ ICI

Merci à vous cher madame pour ce lien qui complète a merveille votre sujet qui nous révèle le destin tragique des corps de ceux qui on gouverné la France

Au plaisir .

Alexandre Lenoir a écrit:

Effectivement, la sépulture du cardinal de Retz n'a pas été retrouvé en 1793. Pourtant "nos" profanateurs n'étaient pas très loin du but, fouillant près du tombeau de Marguerite de Flandre.  Pour une fois, ils ont loupé le coche !
C'est Violet-le-Duc qui aura l'honneur de retrouver le corps du Coadjuteur, au milieu du XIX° siècle.

Justement, regardons de près le plan :



On lit bien "cadinal de Retz". A côté, on voit la présence du tombeau de Marguerite de Flandre.


Sachant, d'après Linceul royal, que le procès-verbal a été rédigé sous le Directoire, qu'est-ce que fait alors cette mention ?

S'agit-il d'une hypothèse de l'emplacement du rédacteur ou du rajout au plan ?


D'ailleurs, quelqu'un aurait-il une source des conditions de découverte du corps de Retz au XIXe siècle ?


Merci d'avance pour vos réponses. ^^

Spes.

Merci cher ami pour ce complément d'info , mais je pense que l'oubli est peut être du indirectement au fait que Louis XIV voulait effacer de la mémoire collective le nom du cardinal et de ce fait il n'y eu pas de plaque ou de monument sur sa tombe .Mais ce n'est q'une hypothèse .

Au plaisir

Tout ceci est vraiment fascinant.
Cependant, une question me vient à l'esprit : Pourquoi le caveau des Valois a-t-il été si dur à trouver ? Était-il excentré par rapport aux autres ou bien l'entrée plus cachée ( D'ailleurs, les caveaux étaient-ils fermés par une porte (si oui, qui détenait les clefs, car il semble que la famille de religieux de Saint Denis avait été "expulsée" en 1791) ou bien l'ouverture emmurée)?
J'essaie de visualiser le parcours des profanateurs et les possible obstacles rencontrés mais c'est parfois difficile...
Merci d'avance pour votre aide.

Bonsoir , cher ami malheureusement a vos question concernant la profanation du tombeaux des Valois , je n'ai riens trouvé concernant l'entrée du caveau et encore moins sil elle était murée ou bien si c’était une grilles qui la fermait. Mais Linceul royal à fait un sujet concernant la profanation du tombeau d' Henri II .voici le lien si cela peut vous aider éventuellement .https://saintdenis-tombeaux.1fr1.net/t83-la-profanation-du-tombeau-d-henri-ii-et-de-catherine-de-medicis.

Au plaisir.