Tombe et restes humains de la reine ArégondeSarcophage de la reine Arégonde, découvert en 1957-59.
Aujourd'hui vide, il est présenté depuis peu dans le déambulatoire de la crypte. Malheureusement sans protection, il est souvent touché par les touristes et les guides... Ayant repris en 1957 les fouilles d'Edouard Salin (1889-1970) dans le sous-sol de la basilique de Saint-Denis, Michel Fleury (1923-2002) mit au jour en 1959 un sarcophage jamais ouvert (le n° 49) contenant une inhumation féminine exceptionnelle par la qualité de son mobilier funéraire et la conservation des restes organiques correspondant à ses vêtements.
Grâce à une bague en or portant le nom ARNEGVNDIS et un monogramme central lu comme REGINE, la défunte fut identifiée à la reine Arégonde, mentionnée par Grégoire de Tours comme l'une des épouses de Clotaire Ier (511-561) et la mère de Chilpéric Ier.
L'anneau sigillaire d'Arégonde C'est précisément cette reine Arégonde, épouse de Clotaire Ier (511 - 561), belle-fille de Clovis et mère de Chilpéric Ier, que Grégoire de Tours décrit vers la fin du VIe siècle. Si l'on tient compte des données historiques telles que la naissance de Chilpéric vers 537-539, et de la datation des accessoires vestimentaires les plus récents, la reine serait morte, âgée de 70 à 80 ans, dans les années 580 - 590.
Clotaire I°(vers 498-561), fils de Clovis représentation imaginaire, par Jean Du Tillet, Recueil des Rois de France, vers 1555-1566. Bibliothèque Nationale de France. Si l'on en croit le chroniqueur Grégoire de Tours, la reine franque Ingonde, épouse du roi mérovingien Clotaire Ier, fils de Clovis, ayant demandé à ce dernier de trouver un mari qui soit digne de sa sœur cadette Arégonde, le roi ne trouva meilleur prétendant que lui-même et décida d'épouser sa propre belle-sœur. Ce mariage, certes proscrit par les canons ecclésiastiques, était cependant conforme aux principes polygamiques et endogamiques alors en vigueur dans les familles royales germaniques. Arégonde accéda donc au rang de reine légitime et apparaît d'ailleurs en tant que regina (c'est-à-dire reine, ou princesse au sens large du terme) dans l'œuvre de Grégoire de Tours, à l'instar des autres femmes de Clotaire.
De cette union naquit Chilpéric, futur roi de Neustrie.
Compte tenu de la date de naissance de Chilpéric, placée en 539 (en réalité en 534), et d'une estimation anthropologique vers 45 ans de l'âge de décès de la défunte, sa mort fut fixée vers 565/570. Cette datation ne s'accordant pas à celle du mobilier funéraire, sensiblement plus récent, plusieurs chercheurs doutèrent que la défunte ait bien été le personnage historique cité par Grégoire de Tours. La redécouverte récente du squelette de la défunte de la tombe 49 ainsi que des restes organiques végétaux et animaux qui l'accompagnaient, disparus depuis une trentaine d'années, a permis à Patrick Périn, actuel conservateur du Musée des Antiquités nationales et archéologue, de rouvrir ce dossier. Ainsi, il est désormais acquis que la défunte, âgée de 61 ans (plus ou moins trois ans) est morte vers 580, ce qui correspond mieux à la datation archéologique du mobilier funéraire et donc à l'identification historique de la défunte.
Michel Fleury en donne la description suivante : « une femme de très petite taille, âgée d'environ quarante-cinq ans, à la chevelure blonde, au crâne assez rond, à la mâchoire inférieure assez saillante, mais au menton effacé ». Elle mesurait en effet 1,55 m et était gracile. Les dernières recherches et en particulier les analyses de ses dents confirment son décès vers 60 ans. Sa jambe droite et son pied témoignent des séquelles d’une poliomyélite contractée dans la petite enfance. Elle souffrait d’arthrose cervicale et lombaire, ainsi que de la maladie de Forestier (épaississement anormal de certains os, souvent lié au diabète.
L’ADN de la défunte a été déterminé, afin de tenter d’établir des liens de parenté possibles avec les autres femmes, anonymes, enterrées à son voisinage. Peut-être appartenaient-elles aussi à la famille royale.
Pour sa part, le réexamen des restes organiques met largement en cause la reconstitution du costume d'Arégonde par Michel Fleury et Albert France-Lanord.
L'"Arégonde" de Michel Fleury et d'Albert France-Lanord, aujourd'hui remise en cause Son long manteau de soie était teint de pourpre, ce qui était un privilège royal, son ouverture étant soulignée par des galons de soie tissés aux planchettes (une centaines !) rapportées et fixées sur une doublure de soie violette, originellement interprétée comme les restes d’une robe. Les extrémités des manches étaient ornées de broderies de fils d’or. Arégonde portait un long voile en samit de soie à motifs jaune et rouge.
Ses chaussures, du style « babouches » étaient en peau de chevreau.
La reconstitution des vêtements que la défunte portait sous son manteau n’est plus possible, les fouilles de 1959 n’en ayant plus laissé traces. Cependant, deux manchettes de cuir nervuré avec inclusions de feuilles d’or, auparavant confondues avec le cuir de la ceinture, devaient orner la robe qu’Arégonde portait sous son manteau.
La véritable Arégonde, telle que les recherches les plus récentes nous la révèlent.Le mode de fermeture de la ceinture, avec un "noeud de cravate", doit être remarqué, ainsi que la manière dont le bas des jarretières se croise sous et sur les chaussures, sans que leurs boucles en soient solidaires. Les analyses menées au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) sur les objets métalliques en or et en argent de la tombe d'Arégonde, ainsi que sur les grenats pouvant les orner, ont considérablement modifié les acquis antérieurs, qu'il s'agisse des alliages utilisés ou de la provenance des grenats. Elle portait un manteau de soie teint de pourpre, un voile de soie à motifs jaunes et rouges, des chaussures de chevreau rouge et des bijoux en or et argent ornés de grenats venus d'Asie[3
On a pu vérifier que la remarquable garniture de ceinture d’orfèvrerie en argent, ornée d’appliques en tôles d’or avec verroteries et grenats venus d’Asie, avait été fixée sur une luxueuse ceinture en peau de chèvre piquée de nervures et en partie dorée à la feuille.
Arégonde portait des boucles d’oreille en or d’origine italo-byzantine. Deux fibules circulaires en or cloisonnées de grenats fermaient son manteau. Son long voile était attaché par deux épingles en or et fixé au manteau par une longue fibule en argent rehaussée de trois nodules en or sertis de grenats.
Ses bas étaient maintenus par des jarretières à lanières croisées, fermées par des boucles en argent. Le vase de verre présent aux pieds d’Arégonde conservait les traces du linceul en toile de lin qui l’avait enveloppée.
Détail émouvant : les analyses en laboratoire ont montré une usure ou une réparation anciennes de ses bijoux. En clair, cela signifie qu’ils avaient été longtemps portés et que la vieille reine, mise en terre par son fils Chilpéric, avait voulu reposer avec des objets de parure qui lui étaient chers.
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