Saint-Denis, cimetière des Rois
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 L’église de Suger

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Alexandre Lenoir

Alexandre Lenoir


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Localisation : Musée des Monuments français ... à Paris

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MessageSujet: L’église de Suger   L’église de Suger Icon_minitimeMar 19 Avr - 13:46

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L’église de Suger

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Restitution de la basilique carolingienne agrandie par le nouveau massif occidental et le chevet à chapelles rayonnantes.
On remarque que la nef carolingienne est toujours en place. Suger n'a reconstruit que le chevet et l'avant-corps
©️ Ministère de la culture / Michaël Wyss, A.-B. Pimpaud, M.-O. Agnes.

I – L’inspiration
C’est à l’occasion du concile du Latran (18-31 mars 1123) que l’abbé Suger se rendit pour la première fois en Italie. C’était pour lui l’occasion de découvrir les principaux sanctuaires des contrées méridionales .
Ce séjour de six mois en joua un rôle décisif, tant pour son action d’homme d’Etat que pour son rôle de mécène et d’abbé constructeur. Il y découvrit l’architecture des basiliques romaines avec leurs fresques, leurs mosaïques, leurs carrelages – qui lui inspirèrent le pavement des chapelles absidiales de Saint-Denis – leurs colonnes antiques, leurs tituli, leurs croix triomphales gemmées à thèmes cosmiques, leurs chapiteaux paléochrétiens réemployés. Suger put ainsi appréhender plus facilement l’architecture chrétienne dans sa continuité, depuis les premiers siècles, jusqu’à son renouveau, dans un ensemble plus vaste et plus évocateur qu’à Paris ou dans les régions d’Ile de France. Ebloui, il fut même tenté de faire venir les colonnes des thermes de Dioclétiens à Saint-Denis !
Il visita également Salerne, Bénévent, Saint-Nicolas de Bari, Saint-Michel-Archange du Mont-Gargan.
Mais l’expérience la plus marquante pour lui fut celle du Mont-Cassin. Il y découvrit la personnalité de l’abbé Didier, constructeur, mécène et homme d’Etat, à titre posthume. Suger en tira son programme cassinien pour Saint-Denis : construction d’une nouvelle basilique, pavements, mosaïques, colonnades, portes de bronze et inscriptions. Cette œuvre matérielle serait réalisée pour la gloire de l’Eglise mais surtout de saint Denis et de la monarchie française.

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L'abbé Suger aux pieds de la Vierge
Vitrail du panneau de la Vie du Christ, exécuté entre 1140 et 1144)

La pensée architecturale de Suger repose aussi sur une vision du monde développée par l’illustre maître de l’école de Saint-Victor, Hugues, son contemporain. Commentateur en 1125 de la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys, théologien de la lumière, Hugues accordait une grande place aux arts mécaniques comme support spirituel, en mettant l’imagerie au service de la métaphysique, les visibilia au service des invisibilia. C’est par cette contemplation que l’homme devait passer de l’univers sensible à l’univers intelligible, des réalités terrestres aux réalités divines.
En contradiction avec saint Bernard qui proscrivait dans son Apologia ad Guillelmum abbatem Sancti Thodorici l’usage de toute peinture, sculpture, matières précieuses et vêtements luxueux, Suger fait appel aux meilleurs artistes et artisans de l’Europe, pour créer l’image du Paradis et un symbole de la couronne de France.

II – La construction de l’avant-corps
L’œuvre commença par la destruction du porche carolingien abritant le corps de Pépin le Bref, et l’édification de l’avant-corps Ouest – la façade principale et le porche actuels.
Pour Suger, l’avant-corps doit être de la main brute de Dieu agissant elle-même, d’un résumé de la foi chrétienne et de l’Espérance fondée sur la lumière.
Il s’agit d’un avant-corps massif, avec une façade divisée horizontalement en trois registres, verticalement en trois portails, et à l’intérieur en deux étages voûtés mais divisés en trois chapelles, avec une référence trinitaire évidente, à l’extérieur comme à l’intérieur.
Cette sorte d’avant-nef comporte un niveau d’accès voûté, profond de deux travées, juste sous les trois chapelles.
Deux tours s’élèvent sur les chapelles latérales, dans la première travée.
En façade, trois portes donnent accès au rez-de-chaussée, une sous chaque tour et une au centre.
La porte centrale est plus large et haute que les deux autres. Ce qui a entraîné un décalage dans les niveaux des chapelles supérieures : la chapelle centrale a un sol plus élevé que ses voisines si bien que les chapelles latérales donnent par des baies géminées sur le vaisseau central du rez-de-chaussée.
La rose centrale semble relativement modeste, mais c’est la première rose de façade occidentale.
Le portail central est encore en plein cintre, mais la disposition des trois portails sculptés s’inscrit dans la répartition tripartite de la structure et des vaisseaux intérieurs, ce qui est une nouveauté. En effet, dans l’art roman, un seul portail extérieur est généralement sculpté, sauf à Saint-Gilles-du-Gard, dont la réalisation est assez contemporaine de Saint-Denis.
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Façade de la basilique construite par Suger.
Au XII° s., elle avait deux tours identiques et les porches étaient ornés de statues colonnes...

L’élément le plus novateur a hélas disparu au 1771 : les ébrasements des portes étaient garnis de statues-colonnes, comme au portail royal de Chartres, légèrement postérieur. Les fragments (dont des têtes) sont aujourd’hui dans les plus grands musées de Paris, Londres ou New York.
En même temps que les statues-colonnes, les religieux de Saint-Denis ont supprimé en 1771 le trumeau du portail central – les portails latéraux n’en ont jamais comporté.
Le XVIII°s a enfin fait disparaître la mosaïque qui ornait le tympan du portail de gauche, pour la remplacer par un relief, refait au XIX°s. Pourtant, c’est Suger lui-même qui avait voulu cette discordance pour rappeler l’Antiquité de la Basilique, de même qu’il commandera des colonnes pour le sanctuaire et non des piliers.
L’iconographie des sculptures de pierre et des portes de bronze s’inspire des théories d’Hugues de Saint-Victor sur la création et le rachat : Christ en majesté du Jugement Dernier, Apôtres in disputatione, résurrection des corps parmi lesquels figure Suger lui-même, agenouillé en prière, enfin surmontant le tout les symboles de la Passion, de la Trinité, de l’Esprit Saint. S’y ajoutaient les tituli que l’abbé fit inscrire sur les portails et le linteau, et dont Hugues de Saint-Victor soulignait l’importance pour la compréhension du sens caché.

La dédicace eut lieu le 9 juin 1140, date que Suger fit inscrire en lettres d’or au dessus des portes de bronze.

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Plan de la basilique conçue par Suger (d'après Formigé)

III - La construction du nouveau chevet
Avant même l’achèvement des tours de la façade, Suger se désolait de l’étroitesse de la vieille église carolingienne.
Il entreprit donc l’agrandissement de la partie orientale et la reconstruction du chevet, œuvre glorieuse dont il s’étonnait que Dieu l’ait confiée à « un si petit successeur de tant de rois et d’abbés ».
La pose de la première pierre eut lieu le 14 juillet 1140, un mois après la dédicace de l’avant-corps ! La cérémonie fut solennelle, en présence du roi Louis VI, avec ostension des reliques de la Passion et des saints patrons.
Suger affirme que la construction fut réalisée en « trois ans et trois mois », dogme trinitaire oblige.

Cette édification se caractérise à ses deux niveaux :

a) au niveau inférieur
- ramener à la même hauteur les deux cryptes carolingiennes
- former un plancher égal au chevet projeté qui, lui, sera surélevé
- entourer la nouvelle crypte d’une couronne de chapelles rayonnantes faites d’arcs et de colonnes
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Les nouvelles chapelles de la crypte présentent un déambulatoire simple, ouvrant sur une couronne de sept chapelles rayonnantes, contigües, éclairées chacune par deux fenêtres et séparées par une cloison. Supports lourds, des voûtes d'arêtes et des percements ne remplissent aucun rôle dans l'unification des volumes. En fait, l'architecture de Suger avait besoin d'un soubassement solide pour lancer au dessus un choeur aérien.
Comme la crypte d’Hilduin, la nouvelle crypte n’est pas enterrée. Elle est éclairée par des fenêtres relativement grandes. Aussi, le sanctuaire lui-même est-il très rehaussé par rapport au transept et à la nef et on y accède par des escaliers :

b) au niveau supérieur, le nouveau choeur
- un nouveau chevet composé de douze colonnes représentant les douze apôtres ;
- au dessus : douze colonnes du déambulatoire représentant les douze prophètes, lesquelles projettent l’édifice à grande hauteur
- autour du déambulatoire : une couronne d’oratoires ouvrant elle-même sur une couronne ininterrompue de fenêtres à verrières, pour inonder l’église d’une lumière éblouissante.
A noter que les chapelles rayonnantes sont pour la première fois juxtaposées et non plus séparées par une travées du déambulatoire comme dans les édifices roman. En outre, chaque chapelle n’est éclairée que par deux grandes fenêtres pour que la lumière rentre plus facilement.

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Le double déambulatoire de Suger est séparé par de fines colonnes posées en délit d'une audace prodigieuse. Il affirme avec force les prodigieux progrès techniques réalisés entre 1140 et 1143. Rien à voir avec la lourdeur du déambulatoire inférieure (crypte)
Partout, le choix des voûtes d’ogives confèrent aux travées une forme complexe, trapézoïdale dans le déambulatoire, pentagonale dans les chapelles.
Toutes les possibilités offertes par les voûtes d’ogives ont été comprises pour décloisonner les espaces et évider les parois. Le déambulatoire et les chapelles y ont des proportions plus élancées. Les supports y sont beaucoup plus minces.
De sorte que le sanctuaire entier est un réceptacle lumineux, un immense reliquaire, transfiguré par la couleur vibrante des vitraux.

La raison principale en est que Suger n’affecte le nouveau chœur qu’à une fonction liturgique. Il ne l’a pas fait agrandir pour les religieux – dont les stalles restent dans la partie orientale de la nef – mais pour les seules reliques de saint Denis qu’il a fait retirer de la crypte. Le nouveau chevet de Saint-Denis doit donc inclure de nombreux autels, l’emplacement des reliquaires et des accès adaptés aux cérémonies et aux processions.

Suger orna enfin son église des plus belles matières : or, argent, pierres précieuses, pièces de mobilier, d’orfèvrerie, tissus de prix, extraordinairement mis en valeur par l’illumination complète grâce aux grandes baies vitrées du chevet.
Un ensemble de 56 verrières ornées de scènes allégoriques basées sur l’enseignement de Saint Paul, permettraient d’enseigner les foules. Car Saint-Denis n’est pas qu’une église de pèlerinage, c’est aussi le siège de grandes fêtes et de foires.

Verticalité et luminosité constituent donc le nouveau style né de cette construction, style que l’on appellera « gothique » à l’époque moderne.
La consécration eut lieu le dimanche 11 juin 1144, soit au moment de l’ouverture de la foire du Lendit, avec la translation des reliques, en présence du Roi et de dix-huit évêques venus parfois de très loin. La foule, immense, allait pouvoir alléger la charge financière de l’abbaye par l’abondance de ses offrandes.


Une œuvre inachevée en 1151…
Les fouilles de l’archéologue américain Summer Mac Crosby dans les années 1950 ont révélé que Suger pensait aux étapes suivantes : le transept et la nef. Celle-ci aurait eu 5 vaisseaux, un vaisseau central et des doubles bas-côtés.
Mais Suger mourut en 1151 et ses projets n’eurent pas de suite.
Ce n’est finalement qu’en 1231, soit quatre-vingts ans plus tard, que les deux constructions, avant-corps et chevet, furent peu à peu reliées par une nouvelle architecture.

Aujourd’hui, l’œuvre de l’abbé Suger, même amputée, suscite une admiration unanime. Elle reste la première grande création de l’architecture gothique qui allait se répandre dans toute l’Europe.


sunny
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