La rotonde des Valois : causes d'un échec ?
Pour appuyer la chronologie en cours d'établissement par Madame Sophie sur le post voisin, on peut s'interroger sur les raisons qui ont amené à cette dégradation progressive de la rotonde au XVII° siècle. D'autant que l'élégance de l'édifice fait vraiment regretter sa disparition. A-t-on joué de malchance ?
A la mort d'Henri II en 1559, Catherine de Médicis veut aussitôt élever à son époux un tombeau grandiose et confie à l'artiste bolonais Primatice, alors actif à la cour de Fontainebleau, le soin d'en dresser les plans.
Primatice imagina d'abord un édifice de plan hexagonal, connu grâce à la description sommaire qu'en fit le florentin Vasari dans ses
Vies en 1563. On ne sait exactement comment se présentait ce premier projet puisque le modèle en terre cuite est aujourd'hui perdu.
Toutefois, le "Mausolée" d'Antoine Caron dans l'Histoire d'Artémise en donne une petite idée, même assez éloignée de la réalité.
A. Caron, La reine Artémise devant le mausolée d'Halicarnasse
tiré de L'Histoire de la reine Artémise,
cap.IV, image 42, vers 1563, BNF Assez éloignée en vérité, car la forme en étant hexagonale...
Néanmoins, c'était le plus "romain" des édifices français que l'on se proposait d'ériger. Héritier de Brunelleschi (Sainte-Marie des Anges) et de Bramante (Saint-Pierre), Primatice connaissait en outre le projet de Michel-Ange pour Saint-Jean-des-Florentins, dont il s'est manifestement inspiré pour Saint-Denis. L'influence passe aussi par la chapelle des Princes à Florence que connaissait bien Catherine de Médicis, la "nouvelle Artémise" de ce grand projet.
Celui-ci s'éloignait assurément de toutes les chapelles funéraires françaises, royales ou princières, saintes-chapelles ou collégiales castrales. La sépulture est autonome, caractérisée par un plan centré, la coupole et le décor à l'antique.
C'est la mort de François II (décembre 1560) qui poussa la reine mère à vouloir un projet plus ambitieux. Car ce décès fragilisait aux yeux de l'opinion publique la famille régnante et la rotonde devait assurer une plus grande légitimité au nouveau roi Charles IX. Il s'agissait de donner une image glorieuse et immortelle de la dynastie.
Malheureusement pour lui, le projet fut ralenti par les dépenses des autres constructions royales, mieux entamées : les Tuileries, le château de Saint-Maur...
Puis les guerres de religion et plaie d'argent n'améliorèrent pas les conditions de lancement des travaux du mausolée.
A la mort du Primatice (1570), l'édifice sortait à peine de terre.
Pourtant, le 20 juin 1572, Charles IX et sa mère approuvaient les plans définitifs de la Rotonde. Mais c'est Jean Bullant, successeur du Primatice, qui prit le chantier en main tout en remaniant le projet. L'hexagone est devenu un dodécagone de près de 30 m de diamètre et les quatre tombeaux qui devaient être adossés aux murs sont transférés dans de grandes chapelles satellites. L'édifice est augmenté d'un étage de tribunes aussi développé que le rez-de-chaussée et d'un grand caveau souterrain.
La structure est audacieuse, mais nécessitait une excellente réalisation pour garantir sa stabilité,...et son achèvement !
En outre, le projet primitif prévoyait un édifice autonome. C'est pourtant une rotonde rattachée à la façade Nord qui va être construite, accessible par un étroit couloir ouvert dans la chapelle orientale du bras du transept, certes à distance suffisante et décalé vers l'Est pour ne pas obstruer la grande rosace rayonnante. L'accès extérieur au départ envisagé est abandonné pour raisons de sécurité (en période de troubles !) et l'entrée ne pourra se faire que de l'intérieur de la basilique.
Plan tiré de Dom Félibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis En France, 1706, BNF La solution n'était guère satisfaisante et ne laissait en rien présager la splendeur du volume antérieur, même inachevé, avec son double registre de colonnes en marbre de couleur et le tombeau-tempietto d'Henri et Catherine par le sculpteur Germain Pilon.
Rotonde des Valois, vue intérieure avec tombeau de Henri II et de Catherine de Médicis, par P. Giffart, BNF Les travaux s'interrompirent malgré tout entre 1579 et 1582. Cette fois, c'est Jean-Baptiste du Cerceau qui prit le relai pour accélérer la réalisation. A la mort de Catherine en 1589, la rotonde était laissée inachevée.
En 1621, les Bourbons daignèrent lui donner une couverture provisoire...qui se dégrada rapidement.
L'attention de la nouvelle dynastie se portait du reste ailleurs : il s'agissait justement d'éclipser le monument des Valois - qui servait donc malgré tout de référence ! - pour ériger un gigantesque mausolée pour les Bourbons, à l'Est de l'abside, dans l'axe de la basilique.
On laissa donc le bel édifice voulu par Catherine de Médicis se fragiliser lentement. Une restauration était possible, mais le régent préféra en finir et ordonna sa destruction en 1719. C'est alors que l'intérêt pour ce monument retombe définitivement; son souvenir sombre dans l'oubli au XVIII°, jusqu'à ce que les fosses communes de 1793 creusées près de ses fondations en redresse la mémoire.