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Le tombeau de François I° et de Claude de FranceLa comparaison avec l'état actuel du monument permet de constater que l'édifice
a traversé les dévastations du temps sans être trop endommagé.
Et pourtant, certaines sculptures ont été sciées dans la hâte de 1793...Gravure tirée de l'Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis en France,
par Dom Michel Félibien, éditée par Léonard en 1755 En 1548, le roi Henri II, fils de François I°, chargea Philibert de l'Orme de la réalisation d'un tombeau monumental en la mémoire de ses parents, ainsi que de deux soeurs enterrées à Saint-Denis et de deux frères (François [1518-1536] et Charles [1522-1545]) dont les dépouilles avaient été ramenées à l'abbaye en même temps que le corps de François I°.
Même si de nombreux artistes collaborèrent à ces travaux sous la direction de l'architecte du roi, il fallut de nombreuses années avant d'en voir l'achèvement. Les travaux étaient toujours en cours à la mort de Henri II en 1559, soit dix ans après leur commencement.
L'architecture y domine. C'est que l'oeuvre devait surpasser en grandeur le tombeau déjà imposant de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Les lignes altières et la forme d'arc monumental évoquant l'arc de triomphe de Septime Sévère à Rome sont bien la marque de Philibert de l'Orme. Mesurant 14 pieds de haut et 16 pieds de long et occupant toute la largeur entre deux piliers de la basilique, l'édifice pérennise le modèle de celui de Louis XII tout en l'affinant.
On retrouve du reste les mêmes éléments dans les deux monuments : les transis et les priants, ainsi que les scènes de batailles aux soubassements.
Pourtant, les différences sont très sensibles.
La grande arcade centrale s'ouvre sur la chambre funéraire ornée de reliefs à la voûte dans laquelle sont placés les gisants de François I° et de Claude de France.
De part et d'autre, plus en retrait, des arcades plus petites donnent accès à des passages latéraux permettant de s'approcher des statues. Assurément, les trois arches ainsi constituées sont plus majestueuses que la structure à arcades qui abrite les gisants d'Anne et de Louis. En outre, d'élégantes colonnes ioniques cannelées et rudentées au tiers scandent les articulations entre les baies et donnent un profil de temple grec au nouveau tombeau.
Par un génial contraste avec ces volumes monumentaux, le système décoratif est raffiné et plus discret, ce qui met d'autant plus en valeur l'imposante structure.
La sculpture en fut confiée à François Camoy, puis à François Marchand et Pierre Bontemps, tous issus des chantiers royaux. Comme les trois sculpteurs ont parfois oeuvré aux mêmes statues, reprenant le travail du collègue - sauf pour les bas-reliefs de batailles - il est aujourd'hui difficile de distinguer la part respective des artistes avec certitude. Ainsi en est-il pour les magnifiques reliefs placés à la voûte : le Christ ressuscité, les quatre figures masculines (sans doute les prophètes - Isaïe, Jérémie, Ezechiel et Daniel - qui ont annoncé la Résurrection) et les génies funéraires portant des torches seraient de la main de Primatice, qui succéda à De L'Orme dans l'exécution du tombeau. Pour la taille, ils relèveraient du ciseau d'un sculpteur chevronné, plus délicat que celui de Bontemps, mais assurément pas de simples praticiens comme Ambroise Perret et Jacques Chanterel dont les noms apparaissent pourtant dans les sources.
Au total, les parties sculptées, rares et limitées aux reliefs, glorifient François I° grâce à des scènes de bataille figurées avec réalisme et non dans un style artificiellement classique comme sur le tombeau de Louis XII.
Deux victoires ornent les écoinçons de l'arc principal : Marignan (1515) et Cérisolles (1544). En traitant les figures en faible relief et en faisant déborder certaines d'entre elles sur le cadre, le sculpteur, Pierre Bontemps, a su donner l'illusion d'une puissante armée en mouvement.
Dans la partie haute, l'entablement est orné de tables en marbre noir, alors que des tables en marbre blanc, plus larges, s'inscrivent dans la continuité verticale des arcs.
Quant aux priants de la plate-forme supérieure de marbre gris, leur nombre est plus ambitieux que sur le tombeau de Louis XII.
On y trouve le roi et la reine, une de leur fille, Charlotte (+ en 1524), les deux fils, le dauphin François, duc de Bretagne (+ en 1536), et Charles, duc d'Orléans (+ en 1545). L'effet de foule aurait dû être renforcé par deux autres priants, la mère du roi, Louise de Savoie, et sa fille la princesse Louise, ainsi que par seize génies funéraires placés au droit des colonnes, mais Primatice décida d'éviter finalement cette surcharge.
Vestiges de ce projet, trois des génies de Germain Pilon ont été remployés pour le monument du coeur de François II dans la basilique - un quatrième étant aujourd'hui au Louvre.
Les priants sont représentés tête nue, agenouillés devant un prie-Dieu. On ne trouve pas non plus les insignes du pouvoir qu'ils portaient de leur vivant, mais le chiffre couronné du souverain figure sur le prie-Dieu.
Sous la voûte centrale, les gisants, eux, ont une attitude apaisée proche du sommeil. Les stigmates de la mort sont moins visibles que ceux de Louis XII et d'Anne de Bretagne. Les transis de François I° et de Claude de France ne sont pas convulsés par l'agonie. Cette conception du roi gisant est renforcée par les motifs iconographiques déployés sous la voûte les surplombant : on dépasse le vision macabre de la finitude humaine pour privilégier l'espoir en la Résurrection.
A la gloire s'ajoute donc une lecture eschatologique qui n'existait pas sur le tombeau de Louis XII. On s'éloigne définitivement des transis médiévaux.
Transi de François I°
Ciccione-Bulloz
Transi de la reine Claude de France
Ciccione-Bulloz
Durant la Révolution, le monumental sépulcre fut détruit sur ordre de la Convention, avec instruction de transférer les parties les plus intéressantes aux Musée des Petits-Augustins qui allait devenir le Musée des Monuments français. Dom Poirier, délégué de la commission des Monuments, parvint à le sauver en faisant mine d'accepter le démantèlement tout en le critiquant : " (...) en général nous pensons qu'il serait très difficile, peut-être même impossible, de démonter les trois tombeaux de Louis XII, Henri II et François I° sans les dégrader, et les pièces détachées qui échapperaient au danger de cette démolition perdraient infiniment de leur prix, qui consiste principalement dans cet ensemble." (rapport de Dom Poirier)
De fait, on démonta le tombeau, mais sans précaution et avec brutalité; dans la foulée le caveau fut ouvert et le contenu des cercueils jeté à la fosse commune au Nord du transept.
Alexandre Lenoir récupéra les pièces détachés et l'ensemble fut remonté dans une rotonde au Musée des Monuments français en 1795.
Alexandre Lenoir tenant l'urne des cendres de Molièredevant le tombeau de François Ier remonté au Musée.par Pierre-Maximilien Delafontaine A la Restauration, ce dernier fut supprimé et c'est encore Lenoir qui obtint le privilège de ramener à Saint-Denis les vestiges prélevés en 1793-1794. Le tombeau de François I° fut restauré et ramené en 1819 à son emplacement primitif. Les travaux permirent de redécouvrir le caveau de François I° et de sa famille, dans le sous-sol de la chapelle Saint-Michel.