.
Un dessin de Jean Fouquet
pour le tombeau de Louis XI à Notre Dame de Cléry
Pour compléter l’étude d’Alexandre Lenoir sur l’histoire du tombeau disparu de Louis XI, voici une petite précision sur un dessin qui, selon plusieurs historiens de l’art, a pu servir d’inspiration à sa réalisation.
[ Sur l'histoire du tombeau de Louis XI, voir sur ce forum :
https://saintdenis-tombeaux.1fr1.net/t38-louis-xi-a-clery-saint-andre-que-sont-devenus-ses-ossements ]
Le manuscrit Clairambault 1242 est un dessin du XVI°s. reproduisant une œuvre perdue sans doute réalisée par Jean Fouquet.
BNF Le roi est représenté à mi-corps, tourné vers la gauche, un reptile entortillé autour de son avant-bras droit, allusion à sa prudence. Sa mâchoire est assez forte, la tempe est accusée sous un visage plein, le nez est fort et un peu allongé, la bouche serrée, la chevelure clairesemée et déjà dégarnie sur le haut du front. Tout concorde avec la miniature de Jean Fouquet peinte en tête des Statuts de l’Ordre de Saint Michel où, bien que vu de face, le visage du roi présente des caractéristiques identiques.
Considérant l’âge probable du sujet, proche de la cinquantaine, sa calvitie naissante et la présence du collier de l’ordre, l’œuvre supposé de Fouquet pourrait être daté des environs de 1475, époque à laquelle Fouquet faisait le modèle du tombeau de Louis XI et apparaissait dans les comptes comme peintre en titre.
L’historienne Nicole Reynaud proposait en 1981, dans une étude faisant autorité, de voir dans l’effigie du fond Clairambault une reproduction partielle du fameux patron exécuté en 1474 par le peintre tourangeau pour le tombeau de Louis XI à Notre-Dame de Cléry. Agenouillé en prières, sans apparat royal et tête nue, il rappelle le Charles VII de l’Adoration des mages (Heures d’Etienne Chevalier).
La comparaison du dessin avec le croquis envoyé par Jean Bourré à Colin d’Amiens, au moment de la reprise des travaux sur le tombeau royal de Cléry en 1481 est concluante.
BNF Ses annotations marginales semblent être une critique implicite du projet primitif que Fouquet avait brossé sept ans auparavant, mais tout en en reprenant les bases. En voici le texte, conservé à la BNF :
« Maître Colin d’Amiens, il faut que vous fassiez la portraiture du Roy nostre sire, c’est assavoir qui soit à genoux sus un carreau comme ici et son chien costé de lui, son chapeau entre des mains jointes, son espée à son costé, son cornet pandant à ses épaules par derrière monstrant les deux bouts ; autre plus fault des brodequins non point des ousseaux, le plus honneste que fera ce porra, habillé comme un chasseur, atout le plus beau visaige que pourrez faire et jeune et plein, le nez longuet et ung petit hault comme vous savez ; et ne le faictes point chauve. »
D’autres annotations, laconiques et d’une autre écriture, comme prises sous la dictée, précisent en bas e la page :
« Le netz aquillon / les cheveux plus longs derrière / le collet plus bas moyennement / l’ordre plus longue et basse, saint Michel bien fait / Item le cornet mis en escherpe / l’épée plus cort et en fason d’armes / item les poulsses tout droiz, le chapeo bien renversé. »
Le caractère singulier de l’effigie explique toutes ces minuties. Le roi voulait apparaître dans son tombeau, non en majesté royale, mais en simple tenue de chasseur, tel qu’il recevait le plus souvent ses visiteurs les plus en vue, à leur grand étonnement. Ce choix iconographique délibéré est un hapax dans la sculpture funéraire des rois de France.
S’agissant des représentations de Louis XI qui ont pu nous parvenir, on peut ici mentionner un extraordinaire dessin trop peu connu et attribué aujourd’hui à Jean Fouquet. C’est « l’Homme au chapeau » conservé au Cabinet des dessins du Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg. Le document est en fort mauvais état, mais un grand nombre d’historiens de l’art pensent désormais que nous avons là une image authentique de Louis XI âgé, assurément contemporaine. C’est elle qui aurait servi de modèle à quantité de peintures apocryphes, toutes plus éloignées les unes que les autres de ce portrait primitif.
L’oeuvre montre une impressionnante effigie d’un homme d’âge mûr, aux traits émaciés, portant un chapeau à larges bords enfoncé sur un bonnet qui enserre le crâne et recouvre en partie l’oreille gauche. Louis XI, frileux et dégarni, en portait toujours dans ses dernières années. Ce dessin a servi de modèle au XVII°s à un portrait rétrospectif qui se trouvait au Palais royal dans les collections des Orléans et qui fut vendu en Angleterre vers 1851. Il a servi lui-même de modèle à plusieurs peintures représentant Louis XI, dont celle qui se trouve au château de Versailles (peinte vers 1836 par un certain Lugardon, sur commande du roi Louis-Philippe pour le musée de l’Histoire de France).
La structure du visage reproduit exactement celle du dessin de Saint-Pétersbourg : même structure osseuse du visage, même regard perçant, même nez allongé, même lèvres serrées, même cou dégagé de toute chevelure et, surtout, même type de chapeau posé sur un bonnet que soulève, à l’arrière la partie dissimulée de l’oreille gauche. La plus ancienne copie aujourd’hui connue de ce modèle d’origine remonte à 1620.
Une autre miniature du XVII°S semble corroborer cette source à l’héritage iconographique abondant. Elle figure dans un traité composé vers 1660 par le génofévain Claude du Moulinet sur les confesseurs des Rois de France. Mais elle en est bien fade :
En tout cas, si l’on rattache le dessin de St Pétersbourg aux plus anciennes eprésentations de Louis XI jeune (Recueil d’Arras, Statuts de l’Ordre de St Michel), on reconnait une filiation physique presque parfaite à des décennies d’intervalle : l’évolution physique du roi, que nous connaissons par des témoignages précis de contemporains, dont Commynes, s’est brutalement accentuée à partir de 1478, marquée par un vieillissement rapide et une extrême maigreur.
Louis XI jeune (Recueil d'Arras)
Jean Fouquet, Louis XI fondant l'ordre de Saint-Michel.
Frontispice des statuts de l'ordre de Saint-Michel,
enluminure extraite des Grandes Chroniques de France, 1469.
Bibliothèque nationale de France, (Paris).
Le dessin de Jean Fouquet représentant de 3/4 Louis XI serait sans doute l’œuvre la plus tardive que nous aurions gardée du peintre.