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Le monument du coeur aux Trois Grâces d'Henri II La commandeCommandé en 1561 par la reine Catherine de Médicis pour honorer son époux, le roi de France Henri II, mort à la suite d'une blessure à l’oeil dans le tournoi des Tournelles en 1559, le monument fut réalisé de 1561 à 1566. Il devait aussi recevoir le coeur de la reine. Le carditaphe fut placé dans l'église du couvent des Célestins à Paris où sa disposition primitive nous est connue par un dessin de la collection Gaignières : il ornait la chapelle sépulcrale des princes d’Orléans.
La conception générale du monument est peut-être due à Primatice. Responsable du chantier de Fontainebleau sous Henri II, il fut nommé directeur des sépultures royales par la reine.
Mais c’est Germain Pilon qui sculpta le groupe des Grâces, tandis que l'Italien Dominique Florentin réalisa le soubassement triangulaire sur un modèle de Jean Picard, dit Leroux. C’est aussi sur modèle de Picard que Florentin fera fondre l'urne en cuivre destinée à contenir les cœurs royaux, par Benoît Boucher.
Le groupe fait 1,50 m de hauteur et le piédestal 0,75 m.
Selon les usages de la monarchie française depuis le XIIIe siècle, le coeur du roi était placé dans une sépulture séparée dans une église bénéficiant de sa protection particulière, alors que le corps reposait à Saint-Denis. La tradition devint plus irrégulière à partir du règne de Charles VI, mais fut ravivée au XVIe siècle par la commande du roi Henri II au sculpteur Pierre Bontemps pour le Monument de coeur de François Ier . Celui-ci avait choisi l'abbaye de Hautes Bruyères. Contrairement à la tradition, Bontemps ne sculpte pas une effigie du défunt, mais une urne richement décorée, dont les bas-reliefs profanes glorifient le fastueux mécène qu'était le roi. Mais le monument d'Henri II pousse l'audace plus loin encore avec une ronde silencieuse de trois Grâces d'esprit païen.
Le choix des Trois GrâcesCe groupe des Grâces s'inspire sans doute d'un groupe antique de la triple Hécate. Il évoque aussi une cassolette dessinée par Raphaël pour François Ier, et gravée par Marc-Antoine Raimondi. Pour les anciens Romains, les Grâces symbolisaient la fidélité conjugale. Les inscriptions réparties sur les trois faces du soubassement, qui commémorent l'union indéfectible des deux époux, accréditent cette interprétation.
La traduction de l'épitathe du monument, en latin, indique :
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Ici la reine Catherine, tout en souhaitant le cacher en son propre sein, a déposé le coeur de son mari. Le coeur longtemps uni de deux personnes atteste l'amour devant les hommes, leur esprit uni en témoigne devant Dieu. Ce coeur jadis berceau des Grâces. Trois Grâces l'exaltent à bon endroit".
© BNF Rappelons que les Grâces sont des divinités mineures considérées comme les compagnes d'Aphrodite. Elles seraient les filles de Zeus et d'Eurynomé, la fille d'Océan et de Téthys. Souvent au nombre de trois, les Grâces (en grec : charités - en latin : gratiae) personnifieront la beauté, la douceur et l'amitié. Elles serviront de thème à de nombreux artistes. Hésiode évoque une Grâce nommée Aglaia (l'éclatante) parfois retenue comme femme d'Héphaïstos à la place d'Aphrodite. Homère, dans "L'Iliade", l'appellera Charis. Il rapporte également la légende d'une Grâce, nommée Pasithéa, qui épousera Hypnos (le Sommeil), offerte par Héra. Cette dernière voulait endormir Zeus pour que les dieux puissent venir en aide aux Grecs.
Le monument légitime ainsi le rôle politique de Catherine de Médicis dans la direction du royaume. Les moines célestins, choqués par ces figures peu religieuses, s'empressèrent de les désigner comme les Vertus théologales.
La flamme de l'Amour en deuilCe spectaculaire carditaphe que Pilon sculpta dans le même bloc de marbre, crée le sentiment d'un volume fuselé.
Le thème, la tunique légère, l'élégance mesurée des gestes, la sérénité de l'expression, la régularité des visages faisant référence à l'Antique, contrastent toutefois avec l’esprit de l’oeuvre. Pilon conçoit les corps comme d'immenses flammes en adoptant le canon étiré du maniérisme : silhouette élancée, élongation du cou, poitrine haute et menue, mains et pieds effilés. Sur ce corps svelte, la fine étoffe, tantôt gonflée tantôt plaquée, suggère l'ondulation de la flamme. L'artiste entaille profondément la matière et sculpte un drapé aux arêtes coupantes, qui accroche la lumière, rythme la surface et imprime le léger mouvement de la danse. Le jeu souple des bras suggère le sens de la ronde. L'extrême finesse du travail du marbre parachève la beauté du groupe.
La destinée du monument, des Célestins au Louvre...Les tombeaux des Célestins furent détruits ou démontés à partir de 1791. L'urne de cuivre doré du carditaphe d'Henri II fut détruite, sans doute fondue.
Alexandre Lenoir fit alors entrer le monument au Musée des Monuments français établi aux Petits Augustins où il fut exposé de 1795 à 1816. Une décision ministérielle du 8 avril 1817 l’attribua malheureusement au Louvre.
On reconstitua une urne en bois doré imitant celle d'origine.
Il est dommage que ce magnifique ensemble ne puisse retrouver à Saint-Denis les tombeaux de la famille d’Orléans auprès desquels il était situé aux Célestins jusqu’en 1791.
Mais il aurait plus simplement sa place auprès du mausolée funéraire d’Henri II et de Catherine de Médicis, tout comme l’urne du cœur de François I° se trouve aujourd’hui à proximité du tombeau de ce monarque…
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