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Mort, autopsie, et inhumations de Catherine de Médicis (1589)
La mort de Catherine de Médicis, par Paul Lehugeur, XIX° siècle Le 5 janvier 1589, à Blois, veille des Rois, Catherine de Médicis, veuve du roi Henri II et mère d’Henri III, se sentant partir, voulut faire son testament et demanda à se confesser. Elle vivait ses derniers instants. Dans la matinée, la vieille reine perdit l’usage de la parole ; ce fut donc Henri III qui dut dicter à sa place son testament. Elle reçut les derniers sacrements et s’éteignit, dans les étouffements de la pleurésie, à une heure et demie après-midi.
«
La reine-mère est décédée, écrit Etienne Pasquier,
la veille des Rois dernière, au grand étonnement de nous tous. » Cette fin rapide stupéfia en effet tout le monde, tant on était habitué à voir Catherine surmonter par sa vitalité toutes les maladies.
On remarqua par la suite que des « signes merveilleux » étaient apparus dans le ciel de Blois après le meurtre des Guise et dans les environs de Paris le 12 janvier.
Ce climat troublé et les rumeurs d’empoisonnement amenèrent Henri III à ordonner une autopsie, même si l’on savait au château de Blois que la mort était parfaitement naturelle.
Il n’y a pourtant pas eu de rapport d’autopsie, ou alors il n’est pas parvenu jusqu’à nous. Mais le légat rendit compte au pape de son contenu :
« Le corps de la reine fut ouvert, par ordre du Roi , et on trouva le poumon attaqué , le sang répandu dans la cervelle avec un abcès dans le côté gauche. Le corps fut embaumé, mis dans un cercueil de plomb, renfermé dans un de bois. On donna ensuite satisfaction au peuple qui accourait de tous les environs pour voir la reine : on transporta son corps de la chambre ordinaire à celle de ses audiences, orné des plus beaux habits d’or qui soient au palais. Beaucoup de dames, en habits de deuil, veillaient près du corps, autour duquel brûlait une grande quantité de lumières, et des pères franciscains psalmodiaient toute la nuit. »Girolamo della Robbia - Ebauche de la statue funéraire de Catherine de Médicis
Musée du Louvre, Paris
Cette ébauche de transi était destinée au tombeau du roi Henri II et de la reine à Saint-Denis. L'oeuvre, commencée en 1565, restera inachevée en raison d'une décision de la reine qui fut effrayée à la vue de cette oeuvre et préféra en faire commander une autre à un artiste différent. En outre, le décès de della Robbia interrompit le travail.
Germain Pilon réalisera la figure gisante définitive qui sera installée sur le tombeau.
Autant dire que le transi ne montre pas le corps de la reine défunte mais n'est qu'une vision imaginaire d'un artiste.
Le marbre ébauché sera conservé dans la salle des Antiques du Louvre jusqu'à la Révolution.
En fait, seule fut exposée l’effigie de parade, composée d’un mannequin sur lequel on avait posé un moulage du visage de la reine, suivant la coutume. L’habituel surcot de princesse avait été trouvé dans un coffre du château ; il avait précédemment servi, raconte Brantôme, à vêtir le gisant de parade de la reine Anne de Bretagne.
Après quatre semaines de présentation de l’effigie, le Roi fit célébrer les obsèques de sa mère le 4 février 1589 dans l’église Saint-Sauveur de Blois qui s’élevait sur le rempart du château.
C’est que Paris et Saint-Denis étaient aux mains de la Ligue.
L’archevêque de Bourges, Regnault de Beaune, président de la chambre du clergé aux états-généraux, prononça une oraison funèbre sous la forme d’un panégyrique. Le prélat eut le courage, devant le parterre de ligueurs qui remplissaient l’église, de célébrer le zèle de la reine contre ceux qui autrefois, sous couvert de religion, intriguaient et menaient des entreprises au détriment de cet Etat ; il compara la « faction toujours rebelle » à un fléau de Dieu et aux nations des Philistins.
Etienne Pasquier rajouta pour la postérité une épitaphe en son honneur :
« Ci-gït la fleur de l’Etat de Florence,
Veuve de roi, mère de rois aussi,
Qui conserva d’un merveilleux souci
Tous ses enfants contre la violence…
Parant aux coups de la haine de rancœur,
Seule fermait à nos troubles la porte.
Enfin elle est morte, une veille des Rois,
Et par sa mort je crains, peuple français,
Qu’avec la paix, la royauté ne soit morte. » La nouvelle du décès parvint à Paris le 7 janvier et se répandit dans la capitale encore surexcitée par le meurtre des deux frères Guise.
Méchamment, le chroniqueur L’Estoile, fidèle reflet des Parisiens moyens, écrivit :
«
Elle portait bien l’âge, pour une femme pleine et grasse comme elle l’était. Elle mangeait et se nourrissait bien (…)
Les Parisiens crurent qu’elle avait donné occasion et consentement à la mort des princes lorrains ; et disaient les Seize que si on apportait son corps à Paris pour l’enterrer à Saint-Denis dans le sépulcre magnifique de la chapelle de Valois que, de son vivant, elle y avait bâti pour elle et le feu roi son mari, ils le jetteraient à la voirie ou dans la rivière. »
Pasquier affirme que l’embaumement n’a guère été efficace. Du coup, on dut l’enterrer en pleine nuit en pleine terre dans l’église Saint-Sauveur (et non dans un caveau) car le corps commençait à sentir, même depuis le cercueil fermé. L’explication : la ville de Blois n’était pas pourvue en drogues et épiceries pour l’embaumement.
Le témoignage est douteux, car il n’était guère difficile en province de se procurer ce genre de produits. En outre, Pasquier ne dit pas que l’embaumement a été bâclé.
Toujours est-il que le cercueil allait attendre là jusqu’en 1610. La bâtarde d’Henri II et de Filippa Duci, sa maîtresse piémontaise, Diane, qui était duchesse d’Angoulême et de Chatellerault, après avoir été duchesse de Montmorency, fit effectuer le transfert des restes de l’épouse légitime de son père vers la rotonde des Valois à Saint-Denis .
Mais en 1719, la rotonde des Valois fut démolie sur ordre du régent. Les cercueils et le grand tombeau furent transférés dans le bras Nord du transept de la basilique.
En 1793, lorsque les cercueils royaux furent violés par les révolutionnaires, les restes de Catherine de Médicis furent déversés dans la fosse commune. Bruley, receveur des Domaines à Saint-Denis, voulut en garder un souvenir et s’empara d’une jambe, cette jambe qui, d’après Brantôme, possédait une finesse et un ensemble de lignes admirables : «
la jambe et la grève très belle, ainsi que j’ai ouï-dire aussi à une de ses dames et qui prenait grand plaisir à la bien chausser, et à en voir la chausse bien tirée et tendue ».
Ce vestige humain de la reine, débris noir et desséché, a trouvé son ultime refuge dans l’une des réserves du musée Tavet à Pontoise.
Il est assez scandaleux que cette relique, suspendue dans un aquarium, ne soit pas inhumé dignement à Saint-Denis, à un emplacement adéquat.
[ Sur la profanation du tombeau d'Henri II et de Catherine de Médicis, lire sur ce forum :
https://saintdenis-tombeaux.1fr1.net/t83-la-profanation-du-tombeau-d-henri-ii-et-de-catherine-de-medicis ]
Médaille de bronze à l'effigie de Catherine de Médicis, reine de France
Atelier de Germain Pilon, vers 1575
Musée du Louvre